19 avril 2024

Réforme Roberge en éducation: un net recul pour la Commission scolaire de la Côte-du-Sud

Le projet de loi no 40 consacre la fin des commissions scolaires et met fin à une instance démocratique régionale. Les décisions prises à Québec, au ministère de l’Éducation, n’auront donc plus de contrepoids régional significatif. « Pour la Côte-du-Sud, un des problèmes que ça va entraîner, c’est qu’il n’y aura plus personne pour représenter les municipalités, le projet de loi fera en sorte de déraciner la commission scolaire de ses régions », lance Martine Robichaud, présidente par intérim du Syndicat de soutien scolaire Bellimont (CSN), « actuellement les commissaires sont très présents dans les conseils d’établissement alors le soutien de la commission scolaire est présent dans toutes les écoles, ce ne sera plus le cas avec les centres de service. » Moins de démocratie Le projet de loi no 40 donne le pouvoir à un nombre restreint de personnes bénévoles qui vont siéger sur les conseils d’établissement et qui seront les seuls à élire les conseils d’administration des nouveaux centres de services scolaires. « Étant dans une commission scolaire où les villages et les villes sont éloignés, nous craignons que les parents ne soient pas intéressés à faire du bénévolat pour gérer un centre de service », prévient Mme Robichaud. Le taux de participation aux élections dans les commissions scolaires était faible, nous en convenons, et la démocratie scolaire se devait d’être améliorée. Mais ce n’est pas ce que fait le projet de loi no 40 qui va aggraver les problèmes de gouvernance du réseau scolaire plutôt que de les régler. Plusieurs solutions ont pourtant été discutées au cours des dernières années, comme de jumeler les élections scolaires avec les élections municipales ou d’améliorer les liens entre les écoles et les commissions scolaires plutôt que de donner le pouvoir aux écoles. Un risque pour les emplois en région Le projet de loi prévoit que le ministre de l’Éducation peut imposer des regroupements de services avec d’autres organisations ou entre les différents centres de services scolaires. « Par exemple, le service de paie pourrait être centralisé dans une grande ville entrainant la perte d’emplois en région », s’interroge Mme Robichaud qui craint également que les achats soient centralisés à Québec ce qui aura un impact négatif sur l’économie régionale. Pensons aux librairies locales. L’autre inquiétude pourrait venir d’un regroupement de services avec une autre organisation, comme le secteur privé, ce qui pourrait faire perdre des emplois ou diminuer les heures de ceux et celles qui travaillent dans les commissions scolaires actuelles. « Il y a une porte ouverte à la sous-traitance dans ce projet de loi qui entraîne beaucoup d’inquiétude chez nos membres pour leurs emplois », explique la présidente du syndicat. Ce remue-ménage insécurise grandement le personnel et risque de rendre la qualité des services inégale d’une région à l’autre. La grande réforme en santé a d’ailleurs déstabilisé tout un réseau sans jamais démontrer qu’il y avait des économies en bout de ligne. Les ingrédients d’une réforme Barrette Même si la réforme Roberge diffère de celle sur la santé de l’ancien ministre Gaétan Barrette, comme cette dernière, elle concentre plusieurs pouvoirs entre les mains du ministre et éloigne donc les décisions de la région. Que ce soit par le projet de loi no 40 ou d’autres projets de loi et directives, le ministre de l’Éducation aura notamment le pouvoir de fusionner plus facilement des centres de services scolaires, même s’ils ne sont pas limitrophes ; il prendra les décisions importantes sur les constructions et les agrandissements d’écoles et il pourra forcer les achats en commun pour tout le Québec quand il le jugera avantageux. « Déjà, nous avons vu les effets dévastateurs sur l’économie régionale à la suite de la réforme Barrette. Bon nombre de fournisseurs locaux se sont retrouvés devant le néant après avoir été mis de côté au profit des grosses compagnies ou des regroupements », dénonce Ann Gingras, présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN). De la poudre aux yeux « Le projet de loi no 40 ne concerne que les structures et ne s’intéresse pas à l’éducation des élèves », dénonce Martine Robichaud, « il ne contient aucune mesure pour ajouter des services aux élèves en difficulté ou favoriser la réussite scolaire, rien non plus sur la surcharge de travail du personnel de soutien ». De plus, le syndicat maintient qu’il n’y a pas d’économie à réaliser avec la réforme proposée si on considère tous les coûts engendrés par les changements. « Notre syndicat est en désaccord avec ce projet de loi puisqu’au lieu de s’attaquer aux services à l’élève, le ministre met l’emphase sur les structures », explique la présidente du syndicat. « Cette réforme n’est que de la poudre aux yeux », maintient Ann Gingras, « elle ne vise qu’à satisfaire le noyau dur de la clientèle électorale de la CAQ et centraliser les pouvoirs au bureau du ministre alors qu’il y a tant de problèmes en éducation auxquels il faudrait s’attaquer de toute urgence ». Plutôt que de s’intéresser aux structures et à la bureaucratie, le ministre ferait mieux de s’attaquer au sous-financement chronique et à l’inégalité qui s’est installée au cœur du système d’éducation depuis plusieurs années. « L’école publique doit favoriser l’égalité des chances et le progrès social, nous appelons le ministre à s’atteler à ces chantiers plutôt qu’à un énième brassage de structures », a conclu Ann Gingras. À propos Le Syndicat de soutien scolaire Bellimont (CSN) représente le personnel de soutien de la Commission scolaire de la Côte-du-Sud et compte plus de 500 membres. Il est affilié au Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN) qui regroupe 250 syndicats représentant 45 000 membres, dont 3 000 personnes dans les commissions scolaires, sur le territoire de la Capitale-Nationale et de la région de Chaudière-Appalaches. Source : Nicolas Lefebvre Legault, conseiller à l’information.