
Dans l’enfer des mots qui frappent


La violence conjugale prend différentes formes. Il y a celle qui frappe avec les poings et celle qui recoure aux mots pour détruire l’autre à petit feu. Les deux se révèlent tout aussi destructrices. Heureusement, des femmes parviennent à se reconstruire avec de l’aide. Dans la région, cette main tendue s’appelle le Havre des femmes. Pour mieux comprendre jusqu’où cette violence peut mener et comment s’en sortir, voici l’histoire d’une femme qu’on appellera Sophie.
Tout commence par un rêve de bonheur partagé. Le couple file le parfait amour pendant six mois. Et puis, petit à petit, la vie de Sophie se décompose sous les agressions verbales de son conjoint, quand ce n’est pas silence radio pendant des jours. Il faut dire que l’homme a un problème de consommation et que son comportement est variable. A jeun, il est taciturne, en boisson il dénigre sa femme et la rend responsable de tout. Bref, c’est un homme contrôlant, résume Sophie.
«Moi, je me remettais en question, je culpabilisais beaucoup, j’essayais toujours de faire mieux. Avec le temps, je suis devenue dans un état d’hyper-vigilance. J’anticipais sur tout ce qu’il pouvait faire. Avec la violence physique, on a peur de la claque, tandis qu’avec la violence psychologique on a peur de ce qui va arriver. En fait, j’essayais de régler un problème qui finalement ne m’appartenait pas» raconte Sophie.
C’était d’autant plus difficile qu’il y a des jours où son conjoint redevenait l’homme présent et attentionné. Et puis, elle avait un rêve, fonder une famille. «Alors, il fallait que je m’arrange pour que le beau temps dure, pour ne pas qu’il y ait de tension, pour réparer le tort, éviter l’agression» ajoute-t-elle. En d’autres termes, de façon insidieuse, il s’est créé une dynamique où Sophie n’avait pratiquement plus de pouvoir sur la relation. À force d’anticiper pour éviter l’attitude et les mots qui détruisent, elle a perdu la confiance en soi.
L’escalade de la violence
La jeune femme a donné naissance à une fille dans la première année de vie commune du couple. C’est d’ailleurs à cette époque que son mari commence à la faire surveiller par ses amis et le voisinage. Un autre bébé, cette fois-ci un garçon, est arrivé 15 mois plus tard au terme d’une grossesse difficile. «Le bébé pleurait beaucoup et je n’ai eu aucun support de mon mari. Il buvait de plus en plus, tout en s’arrangeant pour être capable de fonctionner. C’est au moment où elle a pris la décision de retourner aux études que tout a basculé. «Au cours de ma dernière année de vie avec lui, j’ai vécu dans une peur constante. Il m’a fait des menaces d’homicide et de suicide. C’était devenu invivable» lance Sophie qui craignait le passage à l’acte.
Le Havre des femmes
Bien sûr, les femmes peuvent appeler la police. De son côté, elle a décidé de se tourner directement vers la ressource qui existe dans la région pour les femmes victimes de violence conjugale. Ce fut sa bouée de sauvetage. «J’ai trouvé au Havre des femmes une écoute et un amour inconditionnels. C’était la première fois qu’on validait mon vécu» confie Sophie. Elle restera quatre mois avec ses enfants dans la maison d’hébergement. À cet endroit, elle a appris à se faire confiance, à reconstruire sa vie. «J’ai regagné du pouvoir sur ma vie, maintenant j’aime qui je suis et j’aime la mère que je suis». Le sourire qu’elle adresse à Andrée Pelletier, agente aux relations extérieures au Havre des femmes, en dit long sur le sentiment de reconnaissance qu’elle éprouve envers l’équipe qui l’a accueillie.
Sophie recommande aux femmes prises dans cette spirale de ne pas hésiter à appeler à SOS Violence conjugale ou elle sera référée à une ressource. «Nous, on sème les graines et on vise la sécurité des femmes» rappelle Mme Pelletier.
Aujourd’hui, Sophie est une femme transformée. Elle a poursuivi ses études et a obtenu un bac, maintenant elle s’apprête à faire une maîtrise. Tout un chemin parcouru de l’ombre à la lumière.


