20 novembre 2024

5 questions à un prof de la région : La Première Guerre mondiale

Le prof : Denis Bois

Depuis 42 ans, soit depuis 1984, Denis Bois transmet sa passion pour l’histoire et les sciences humaines aux élèves de l’École secondaire La Rencontre de Saint-Pamphile.

Issu d’une famille de producteurs forestiers, il a choisi de se consacrer à l’enseignement dès sa jeunesse, dans l’objectif de développer l’esprit critique des générations futures et de leur fournir les outils nécessaires pour appréhender le monde dans lequel elles évoluent. « Pour savoir où on va, il faut savoir d’où on vient » est l’un de ses principes fondamentaux.« L’histoire est un moyen exceptionnel pour se comprendre et pour saisir le Québec d’aujourd’hui », affirme-t-il.

À travers son éducation, il montre à ses élèves comment notre société actuelle est le résultat de notre passé, auquel nous demeurons intimement liés. Il cherche également à souligner les leçons apprises par nos ancêtres, dans l’espoir que les jeunes générations évitent de répéter les mêmes erreurs.

Denis Bois a accepté de partager ses connaissances avec les lecteurs du Journal sur un sujet complexe, mais captivant : la Première Guerre mondiale.

1. Qu’est-ce qui a mené au déclenchement de la Première Guerre mondiale et comment le Canada s’est-il impliqué?

‘’Le point de départ de la Première Guerre mondiale a été l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’Empire austro-hongrois, par un nationaliste serbe à Sarajevo le 28 juin 1914. À cette époque, l’Europe était divisée en deux alliances majeures : la Triple Entente (France, Royaume-Uni et Russie) et la Triple Alliance (Allemagne, Autriche-Hongrie et Italie). Cet équilibre fragile bascula rapidement lorsque l’Autriche-Hongrie, soutenue par l’Allemagne, a déclaré la guerre à la Serbie, alliée de la Russie. En quelques jours, à cause du jeu des coalitions, le conflit s’est propagé à travers le continent, puis au monde entier.

Il faut dire que le contexte politique de cette période favorisait un tel embrasement. En effet, chaque pays cherchait à étendre son influence, en particulier en Europe de l’Est et dans les Balkans, où plusieurs empires se disputaient des territoires stratégiques. La montée du militarisme, engendrant une production accrue d’armements et le développement de nouvelles technologies tactiques, a attisé davantage les rivalités entre puissances.

Bien que le Canada n’ait pas été directement menacé, son lien avec le Royaume-Uni l’a amené à s’engager dès les premiers jours. En tant que dominion britannique, le Canada a suivi automatiquement la déclaration de guerre de Londres contre l’Allemagne.’’

2. Comment le conflit a-t-il évolué par la suite?

‘’Au départ, les combattants pensaient que cette guerre serait de courte durée. Or, elle est rapidement devenue une guerre de tranchées où les troupes se réfugiaient dans des réseaux creusés le long de la frontière franco-allemande, de la mer du Nord jusqu’à la Suisse. Ces tranchées ont engendré la stagnation et ont redoublé l’horreur de l’affrontement. Dans ces fossés humides et infestés de rats, les soldats bravaient maladies, manque de nourriture, froid intense et bombardements constants. Les batailles, comme celle de la Somme en 1916, ont été parmi les plus meurtrières : 1 060 000 morts pour un gain d’à peine 12 kilomètres par les Alliés. L’apparition d’armes nouvelles, telles que les mitrailleuses, gaz toxiques et chars d’assaut, a transformé la guerre en véritable hécatombe.’’

3. Quel a été le point tournant menant à la fin de cette guerre?

‘’L’entrée en guerre des États-Unis en 1917 a été décisive. Initialement neutres, les Américains ont été poussés à intervenir à cause des attaques de leurs navires marchands par des sous-marins allemands. Ces renforts en hommes et matériel ont rééquilibré les forces, permettant aux Alliés de briser l’impasse des tranchées. Ils ont lancé alors des offensives qui ont affaibli progressivement l’armée allemande, jusqu’à ce que la Triple Alliance soit contrainte d’accepter la défaite et de signer l’armistice en 1918. Ce conflit a causé la perte de quelque 18,6 millions de vies et la dévastation de nombreux territoires.’’

4. Comment le peuple Canadienne a-t-il vécu ce conflit?

‘’La participation du Canada a divisé la population : les anglophones soutenaient majoritairement l’effort de guerre, tandis que les francophones étaient plus réservés. Cette division s’est accentuée avec la mise en place de la conscription, une mesure controversée qui imposait l’enrôlement aux hommes sans enfants de 20 à 45 ans. Au total, près de 417 000 Canadiens ont été envoyés au front, et plus de 60 000 y ont perdu la vie. Les séquelles physiques et psychiques ont laissé des marques durables chez de nombreux vétérans, et leur retour au pays n’a pas signé la fin de leurs épreuves. Les lésions psychologiques étaient mal compris, et les traitements pour le stress post-traumatique demeuraient rudimentaires.

Sur le plan économique et social, le Canada a été profondément affecté. Le gouvernement a adopté des mesures exceptionnelles, dont la Loi des mesures de guerre, qui lui accordait de contrôler l’économie, de réguler les industries et de restreindre certaines libertés. Cette centralisation de pouvoir a montré l’ampleur des sacrifices consentis pour mobiliser toutes les ressources nationales en temps de crise. Les emprunts de guerre, ou “obligations de la victoire”, ont permis de financer le conflit et sont devenus un symbole de solidarité bien que certaines communautés ne se sentaient pas représentées dans cet effort.’’

5. Quels ont été les impacts de ce conflit sur la suite de l’Histoire?

« La Première Guerre mondiale a transformé le rôle des dames dans la société canadienne. Avec les hommes au front, les femmes ont intégré massivement la main-d’œuvre, prenant des postes industriels et administratifs jusque-là réservés aux citoyens masculins. Ce travail accru a renforcé la demande pour le droit de vote, octroyé partiellement en 1917 aux mères et épouses de soldats, puis élargi en 1918. Cela a été un premier pas vers la reconnaissance des droits des femmes, bien que le Québec ne leur ait concédé ce droit qu’en 1940.

La participation du Canada sur la scène internationale a été également remarquée. Le pays a signé le Traité de Versailles en 1919, son premier acte officiel en tant que peuple autonome. Cette indépendance a été renforcée en 1931 avec le Statut de Westminster, qui a accordé au Canada une souveraineté législative presque totale.

Au final, la Première Guerre mondiale a laissé une trace indélébile dans la mémoire collective canadienne. Les sacrifices consentis, les tensions internes et les changements sociaux ont façonné une identité nationale distincte. Le Jour du Souvenir, le 11 novembre, perpétue cette mémoire, honorant ceux qui se sont battus et rappelant les leçons d’une époque qui a redéfini le monde moderne.’’

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