Le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Chaudière-Appalaches a entravé les activités syndicales de ses salariés de l’Hôpital de Montmagny en leur empêchant d’exercer leur droit de grève à l’automne 2023 selon le Tribunal administratif du Travail (TAT). L’institution devra ainsi verser 15 000$ à titre de dommages à leur syndicat, la FIQ - Syndicat des professionnelles en soins de Chaudière-Appalaches.
Les événements reprochés se sont déroulés lors des journées de grève tenues les 8, 9 et 23 novembre derniers. Ils découlent essentiellement de l’interprétation erronée par l’employeur de la clause d’urgence, ayant pour but d’éviter de mettre en danger la santé ou la sécurité publique, contenue aux listes de services essentiels approuvées par le TAT et du non-respect des horaires de grève en vigueur.
Selon la juge administrative du TAT Myriam Bédard, lors de ces journées, la situation était tendue dans tout le réseau. Elle rappelle que la grève était l’occasion pour les syndiqués de manifester leur mécontentement, mais aussi de rencontrer leurs représentants syndicaux afin de poser des questions et de faire valoir leur position.
Le 8 novembre, en raison d’un déficit de personnel allégué sur des quarts de travail, l’employeur interdit à certains salariés d’exercer leur droit de grève qui, craignant les représailles, obtempèrent. Le 9 novembre, des salariés font envore l’objet de l’interdiction imposée par le CISSS. Informé de la situation, un représentant syndical se présente sur les lieux et insiste auprès du gestionnaire en poste pour que le droit de grève soit exercé en conformité des horaires établis. À la suite de cette intervention, une modification est faite à l’horaire et le nombre de salariés interdits de grève est alors réduit.
Le 23 novembre, invoquant une augmentation du nombre de patients, l’organisation empêche à toutes les infirmières de l’unité Médecine-Chirurgie du quart de soir d’exercer leur droit de grève, et ce, dès le début du quart de travail.
Après analyse du dossier, Mme Bédard conclut que les situations vécues ne correspondaient pas à la notion d’urgence pour la santé ou la sécurité publique. Elle soutient qu’une situation de manque de personnel ou d’augmentation du nombre de patients sur une unité de soins ne fait pas automatiquement naître une urgence permettant d’y recourir.
« Au cours des événements de novembre 2023, le CISSS n’a toutefois pas accordé au droit de grève toute l’importance qui doit lui être conférée. Il a plutôt minimisé son importance, le ramenant au rang d’une absence du travail volontaire qu’il ne pouvait accepter dès que le nombre d’employés en poste ne correspondait pas aux seuils qu’il a établis. Il a donc exigé des salariés de remédier à la situation en demeurant au travail plutôt que de faire la grève, et ce, sans autre discussion avec les représentants syndicaux », déclare la juge administrative dans sa décision rendue le 7 mai 2024.
Pour le Tribunal, une atteinte au droit de grève, élevé au rang de droit fondamental, ne peut être qualifiée de mineure, et a des impacts importants. « Il faut aussi considérer que le CISSS exploite des établissements publics au nom de l’État qui a un devoir d’exemplarité en matière de respect des lois, et tout particulièrement, de respect des droits fondamentaux. Il mine la crédibilité du Syndicat, contribue à faire perdurer le conflit et se montre insouciant à l’égard du respect de droits fondamentaux », conclut Mme Bédard.
Ainsi, elle a condamné le CISSS à verser 15 000$ à la FIQ - Syndicat des professionnelles en soins de Chaudière-Appalaches à titre de dommages et intérêts.