08 mai 2024

Une voix pour la relève agricole

À trente-deux ans, l’agricultrice Catherine Jalbert travaille d’arrache-pied afin de réaliser son plus grand rêve professionnel, soit devenir la quatrième génération de sa descendance à exploiter la ferme familiale du rang Double. À Saint-Pamphile. Or, dans le contexte socio-économique actuel, les prés ne sont pas si verts pour la relève agricole d’ici.

‘’J’ai toujours su que l’agriculture allait être ma vie. C’est ma grande passion, c’est en dedans de moi. Je suis toujours aussi émerveillée par la nature, par chaque vache qui vêle, par chaque champ que l’on sème au printemps et récolte à l’automne’’, s’exclame Mme Jalbert avec émotion dans la voix.

Son enfance a été bercée par l’amour des animaux et de la terre. Avec sa fratrie, elle a grandi sur la ferme Pamphily exploitée par sa famille depuis le début du vingtième siècle. Après des études en production animale et en agroéconomie, elle est rentrée au bercail en 2014 pour travailler sur la ferme à temps plein dans l’objectif de prendre éventuellement la relève de son père. Aujourd’hui, leur exploitation agricole compte environ cent-trente vaches laitières.

Les fils et les filles d’agriculteurs désirant prendre la relève de leurs aïeux sont de plus en plus rares au Québec. Selon le dernier Portrait de la relève agricole réalisé par le gouvernement, le taux de renouvellement des générations d’exploitantes et d’exploitants agricoles dans la belle province est passé de 45% en 2011, à 30% en 2021, soit une baisse de 15%.

Dans les méandres du transfert d’une entreprise agricole

Or, elle explique qu’il s’agit d’une procédure particulièrement compliquée. ‘’Le problème avec les fermes, c’est qu’elles valent très cher mais que les agriculteurs, eux, gagnent de petits salaires. Je veux payer un prix d’achat à mon père qui lui permettra d’avoir une retraite décente. Néanmoins, je veux aussi que la ferme survive après que je l’aie reprise et que je sois capable d’en vivre. C’est complexe comme situation’’, explique la jeune agricultrice.

De plus, la pénurie de notaires, de fiscalistes et de comptables ralentit la transaction. ‘’Chaque ferme est différente et possède ses particularités propres. Un transfert, ça se prépare d’avance, ça se planifie,’’ avance celle qui insiste sur l’importance de s’entourer de professionnels qualifiés afin de mener cette transmission intergénérationnelle avec succès.

Des fermes sous haute pression

Au-delà des défis reliés au transfert intergénérationnel d’une ferme, Catherine Jalbert explique que les agriculteurs et agricultrices vivent un stress important.

‘’ Les investissements en agriculture, ça se chiffre souvent en millions qui doivent être financés. Les agriculteurs et agricultrices sont grandement affectés par la hausse des taux d’intérêt. Bien souvent, ils doivent réduire leur salaire pour assumer cette dépense supplémentaire’’, soutient-elle.

Présentement, la jeune agricultrice travaille entre soixante et quatre-vingts heures par semaine, sept jours sur sept. ‘’Malgré ma charge de travail importante, je n’envisage pas d’automatiser nos installations à court terme à cause des coûts trop importants’’, énonce-t-elle.

De plus, le recrutement d’employés est difficile à cause de la rareté de candidats intéressants, de la hausse des salaires, du roulement de personnel et des frais de formation importants.

Mme Jalbert dénonce également l’augmentation de la ‘’paperasse administrative’’ exigée par le gouvernement du Québec dans les dernières années, qui est de plus en plus complexe et pour laquelle elle n’a aucun soutien de l’État.

Ultimement, elle constate qu’il est difficile pour ceux et celles qui cultivent la terre d’effectuer une coupure entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle, et ainsi de décrocher de leur travail. ‘’La ferme, c’est la famille, et la famille, c’est aussi la ferme’’, avance-t-elle.

Appel au soutien de la population

‘’Malheureusement, les consommateurs ont le jugement facile sur notre métier. Nous sommes souvent perçus comme nuisibles, car les vaches, ça pète’’, énonce Mme Jalbert. Du même souffle, elle rappelle qu’elle travaille dans le but premier de nourrir la population et que son industrie est une composante essentielle de l’économie d’ici. Elle invite les gens à s’intéresser aux agriculteurs et agricultrices, à les soutenir et à venir les rencontrer afin de comprendre davantage leur quotidien.

Malgré les enjeux actuellement rencontrés dans les exploitations agricoles, Catherine Jalbert demeure optimiste pour l’avenir. ‘’L’économie, c’est cyclique. Tout ce que je souhaite, c’est de vivre décemment de ma passion. Et j’ai encore le feu sacré’’, conclut-elle avec philosophie.

L’âme d’une militante

En plus des longues heures passées quotidiennement sur sa ferme, Catherine Jalbert a choisi de faire entendre sa voix en s’impliquant. D’abord, elle est présidente de l’Association des Agricultrices de la Chaudière-Appalaches Est, qui vise à défendre et mettre en lumière les enjeux touchant la condition féminine en agriculture. ‘’Je souhaite changer la vision qu’ont les gens des femmes en agriculture. Peu importe son genre, chaque personne a des forces et des faiblesses et il faut seulement apprendre à tirer le meilleur de chacun. La passion n’a pas de sexe!’’, s’exclame-t-elle. Également, elle est la deuxième vice-présidente de La Relève agricole de la Chaudière-Appalaches, qui a pour but de promouvoir, défendre et développer les intérêts professionnels, économiques, sociaux et moraux de ses membres. ‘’Dans le contexte de mise en marché collective de nos produits, il faut se mobiliser et aller voter dans nos assemblées. Il faut faire entendre notre voix, car c’est notre paie qui en dépend’’, ajoute-t-elle. Ultimement, son implication lui permet de briser l’isolement inhérent à sa profession. ‘’En 2024, ce qui est important c’est de connaître quelqu’un, et non de connaître quelque chose’’, énonce-t-elle. Pour celle-ci, il est essentiel de se constituer un réseau afin d’améliorer ses connaissances, échanger sur sa réalité et hausser sa motivation. Elle invite la population à consulter #maistoutvabien sur les réseaux sociaux afin d’en apprendre davantage sur la situation des agriculteurs et agricultrices.