04 novembre 2024

L’élevage à l’extérieur en toute saison

« Mon pays, ce n’est pas un pays c’est l’hiver » chantait Vigneault. Eh oui, l’hiver avec ses contraintes, ses froids extrêmes, ses tempêtes. Ce qui n’a pas empêché Michel Leblanc et sa conjointe, Chantal Côté, d’oser l’élevage à l’extérieur à l’année longue. Voyons comment ils procèdent. Michel Leblanc prenait les rênes, fin des années 1990, de la Ferme du Rocher de Cap-Saint-Ignace. L’heure de la retraite venait de sonner pour son père, jusque-là éleveur de bovins laitiers de race canadienne. À ce moment, le fils unique examina attentivement ses options : poursuivre sur cette lancée ou alors emprunter un nouveau sentier, mieux adapté à son quotidien alors qu’il occupait un emploi à l’extérieur à temps complet. Ayant toujours éprouvé un vif intérêt pour l’agriculture mais estimant plus contraignant le travail à la ferme laitière, il opta pour une transition vers le bœuf de boucherie. Si les robots de traite avaient fait leur apparition dix ans plus tôt, M. Leblanc aurait pu voir les choses différemment. Pas d’herbicides La ferme, d’une superficie de 40 hectares, accueille un cheptel de 80 à 100 vaches et veaux de race Angus. L’ensemble est régi dans le respect du cycle naturel du troupeau. Les bêtes sont nourries à l’herbe en été et au fourrage en hiver, sans hormones de croissance ni antibiotiques. Au printemps, les animaux sont séparés en sept groupes selon le cycle de production et l’âge. Ils sont répartis dans différents pacages, eux-mêmes séparés en plusieurs parcelles. Les animaux sont changés de parcelle à tous les jours ou aux 36 heures, selon le rendement fourrager et les conditions climatiques. Il est fréquent d’avoir jusqu’à 21 parcelles par pacage pour assurer l’alimentation de tous avec du jeune foin. La fréquence de rotation des animaux est cruciale et doit se faire avant que les animaux ne coupent les plantes trop court. En effet, celles-ci auront un meilleur regain, c’est-à-dire qu’elles repousseront plus rapidement si elles sont laissées plus longues. Ainsi, la quantité de fourrage sera suffisante pour un retour plus rapide des animaux au même endroit. Une coupe trop courte pourrait mettre en péril l’utilisation de la parcelle pour la rotation suivante des animaux. Lorsque les pacages ne produisent plus suffisamment à l’automne, les animaux sont dirigés vers les enclos d’hivernement où le foin récolté leur sera distribué mécaniquement. Celui de qualité supérieure est réservé aux bouvillons après le sevrage à 5 ou 6 mois afin de leur permettre de faire un bon gain de poids. Sur place, 1 300 balles de foin destinées soit à l’alimentation, soit à la litière. Les enfants de Chantal et Michel, qui se sont joints à l’aventure au fil des ans, apportent leur aide au besoin et lors des périodes plus occupées comme pour les soins aux animaux et les récoltes. L’adaptation au climat Seuls de grands écarts de température, par exemple de la pluie à un froid polaire, sont sources de stress pour l’animal. Son poil doit avoir le temps de sécher après la pluie avant que la température ne chute. Les balles de foin disposées autour des enclos avant l’hiver servent de brise-vent pour protéger les bêtes des grands vents. Les balles disposées dans les pacages permettent quant à elles une accumulation de neige pour protéger les plantes du gel. Aussi, à la fonte au printemps, l’eau descendra dans le sol et favorisera l’apport d’eau aux plantes pour des pâturages abondants. L’utilisation d’abreuvoirs extérieurs en hiver nécessite des précautions, aussi sont-ils munis d’un bassin chauffant et d’une canalisation en terre permettant d’aller chercher la chaleur naturelle du sol. C’est que l’on se tient à la page, à la Ferme du Rocher.

Entre les soins préventifs et curatifs, les producteurs ont une nette préférence pour la prévention, d’où un bon protocole de vaccination.
De la naissance à l’assiette Le couple a bien essayé de se lancer dans la mise en marché de la viande au début des années 2000, cependant les consommateurs n’étaient pas rendus là. Une restructuration, suivie d’une association avec La Chèvre et le Chou, marché de proximité, peu avant la pandémie, était la voie tout indiquée. Aujourd’hui, leur part de marché se divise ainsi : une portion va au marché de proximité, une autre aux clients réguliers qui achètent en quarts, demies et carcasses entières puis la dernière aux clients qui prennent rendez-vous et se rendent directement à la ferme pour la vente au détail. De la mer à la terre La pomme n’étant pas tombée loin de l’arbre, Michel se considère plus éleveur que producteur. Son père, consacré meilleur éleveur au Québec lors de plusieurs foires agricoles, ne serait pas devenu éleveur sans l’intérêt de son épouse à s’établir en agriculture. La préparation des animaux et leur présentation aux expositions l’ont ramené à la terre. Lui qui venait d’une famille d’agriculteurs et de marins a navigué cinq ans sur un bateau ravitailleur des villages de la Côte-Nord.