18 avril 2024

Les foyers d’une vie

Franchir le pas de sa porte n’est pas toujours chose facile, surtout lorsqu’il s’agit d’un geste irréversible. Les nécessités de la vie quotidienne en amènent toutefois plusieurs chaque année à suivre cette voie. L’Oie Blanche a fait une brève incursion à la Résidence des Bâtisseurs afin d’y recueillir deux témoignages. L’un provient d’une dame qui y réside depuis bientôt cinq ans et l’autre d’une nouvelle venue, si l’on peut dire, puisqu’elle y a emménagé à la fin mars.

Nous les avons rencontrées ensemble, ce qui s’avéra une excellente décision car Mesdames Pauline Gendron et Colette Giguère ont fait de cette entrevue informelle un moment de partage et de réflexion.
« On prend tous les petits bonheurs » Ces sages paroles proviennent d’une bonne vivante en la personne de Pauline Gendron. Celle qui est issue d’une famille de dix enfants en a eu quatre avec Pierre, son époux. Ceux-ci leur ont donné à leur tour six petits-enfants et une arrière-petite-fille. Ce clan tissé serré n’a jamais cessé de se retrouver, notamment pour les Fêtes. Mme Gendron considère extrêmement enrichissants les échanges qui émanent de cette belle brochette de générations. Nous sommes des gens « colleux » et chaleureux, admet-elle volontiers. Passage obligé Jusqu’en février dernier, Mme Gendron partageait le logement avec son mari. Un malheureux accident, suivi d’une évaluation clinique de celui qui souffre de la maladie de Parkinson depuis 17 longues années a fait en sorte que ce dernier a dû être transféré au Foyer d’Youville. « Le placer a été la chose la plus difficile que j’aie eu à faire dans ma vie » avoue-telle, les larmes aux yeux. Elle lui rend visite le plus souvent possible et partage encore avec lui de bons moments. Le grand sens de l’humour de son homme l’aide à surmonter ce demi-deuil. Lorsqu’il arrive à celui-ci de franchir l’espace-temps, elle se contente de le suivre dans son univers. « Il est de retour sur la ferme, fait les foins ou bûche, j’embarque dans son monde. » Ici, Mme Gendron tient à souligner à quel point leurs enfants et petits-enfants les soutiennent et les accompagnent. 55 ans de mariage, ça unit une famille et resserre les liens chaque jour davantage. « Noël, c’est du bonheur » Le temps des Fêtes revêt une grande importance chez les Gendron. Chez les Nicole aussi, d’ailleurs. Pauline Gendron se remémore aisément les transports en calèche qui ont marqué son enfance. La messe de minuit, l’ambiance festive, les chants, l’accordéon, le Jour de l’an chez les grands-parents… Ces moments magiques, le couple les a transmis à ses enfants et la tradition se poursuit, malgré les difficultés qui viennent avec l’âge. Comme elle le dit si bien, « C’est toujours à nous de choisir si on voit le verre à moitié vide ou à moitié plein ». « Ça fait mal » Colette Giguère a dû quitter il y a quelques mois la maison qu’elle avait construite avec son époux et dont elle avait elle-même approuvé les plans afin que cette demeure leur ressemble. Elle l’a habitée 47 belles années. Le couple y a élevé deux enfants, deux fils qui après avoir fondé leur propre famille ont continué à considérer cette maison comme leur chez-soi. « On a deux maisons » disaient-ils. On imagine bien le déchirement de Mme Giguère-Lapointe au moment de franchir le pas de sa porte. « Chacun y laissait de son essence » résume-t-elle. La suite devait cependant lui prouver qu’il n’était pas trop tôt pour effectuer ce changement car certaines complications d’ordre médical nécessitaient l’intervention de professionnels. Non seulement a-t-elle pu bénéficier des soins du personnel en place, mais également de ceux des intervenants du CLSC, d’une grande efficacité tient-elle à souligner. Bref, Mme Giguère assume bien son choix et résume ainsi sa nouvelle position : « C’est ce que l’on ne peut faire pour les autres qui est le plus difficile ». Une banque de bons moments L’octogénaire, qui a perdu son bien-aimé en 2013, se motive chaque jour à se créer une banque de bons moments. Ceux-ci viennent aisément lorsque l’on a une famille aimante composée de fils et de brus attentionnés, de cinq petits-enfants et cinq arrière-petits-enfants. Non, Mme Lapointe ne passera pas Noël seule à la résidence. Sa belle-fille s’est d’ailleurs chargée de coller sur son frigo la liste des sorties prévues pour le temps des Fêtes. Non qu’elle ne soit pas bien chez elle, alors qu’elle a vue sur les Laurentides et l’école Beaubien, où elle passa les dix dernières années de sa carrière d’enseignante. L’inestimable entourage Les deux femmes s’entendent sur un point d’importance : elles ont la chance d’être toutes deux bien accompagnées par leur famille respective. « C’est une chance immense d’avoir quelqu’un à sa disposition » admet volontiers Mme Lapointe qui affirme « c’est de l’or » quand elle parle de ses petits et arrière-petits-enfants. Mme Gendron, quant à elle, se trouve chanceuse d’avoir eu de bons parents qui leur ont inculqué de belles valeurs à elle et sa fratrie. Celle qui lors d’un premier emploi d’aide familiale apprenait le futur métier de mère de famille peut dire mission accomplie. Noël chez Les Bâtisseurs Ce ne sont pas les activités qui manquent à Mgr Deschênes. Cette rencontre avec nos interlocutrices a d’ailleurs débuté à la salle d’animation où avait lieu une activité musicale. Devinez le thème des chansons interprétées en chœur… Décorations, création de couronnes et Marché de Noël figurent également au programme. Enfin, comment clore le récit de cette entrevue sans évoquer une véritable vive-la-joie, une nonagénaire au sourire contagieux pour laquelle les deux femmes éprouvent une grande admiration. « Ça fait du bien de vivre dans un milieu où l’on voit ce genre de choses. » Ce mot de la fin revient à… L’une ou l’autre aurait pu le dire, car il résume bien tout le reste.