24 décembre 2024

De la Gaspésie à Montmagny, ses passions l’ont suivi

Vous en connaissez beaucoup des gens qui envisagent, peut-être, prendre leur retraite à 75 ans? Il faut être drôlement passionné par son métier. C’est le cas de Donald Labillois, un vrai de vrai, qui a passé les 28 dernières années devant les fourneaux du restaurant La Couvée. Il y est toujours d’ailleurs, pour le plus grand plaisir des amateurs de bonne chère. Originaire de Nouvelle, le cuistot ne se destinait pas à la restauration à prime abord. Ce grand sensible a suivi des études en enfance inadaptée, après quoi une petite semaine dans un camp pour enfants handicapés lui a suffi pour se convaincre qu’il s’était trompé de porte. Trop touchants, ces mômes. Soins infirmiers, alors? Il lui aurait fallu suivre ses cours à Campbellton, en anglais. Que nenni, pas pour lui. Celui qui a grandi dans une maison où se répandaient tous les jours d’agréables arômes alors que sa mère cuisinait pour une fratrie de huit a, à ce moment, trouvé le métier qu’il souhaitait exercer. Du Héron à L’Oiselière En 1973, il s’inscrit à des cours de cuisine à Rivière-du-Loup (c’est l’époque des premiers micro-ondes), après quoi il est engagé au restaurant Le Héron à Carleton-sur-Mer. Il y passera près de trois ans, qu’il chérira, mais une idée ne cesse de lui trotter en tête : celle d’enseigner la cuisine. Au retour d’une entrevue à Québec pour l’obtention d’un tel poste, Donald et sa femme s’arrêtent à Montmagny casser la croûte au Châtelaine, resto en bordure de l’autoroute depuis longtemps disparu. En feuilletant le journal local, il voit une offre d’emploi pour un prof en alimentation à Casault. Quelques semaines plus tard, Jean Rouleau l’appelle et l’engage le jour même! Il y enseignera sa passion pendant 32 belles années. Pendant ce temps, Jean-Yves Fortin a aussi des projets le concernant : lui confier sa salle à manger à L’Oiselière. Les modes et les styles ont changé, la cuisine a évolué et Donald est resté, menant de front deux carrières à la fois sans jamais s’en lasser. S’il a dû laisser L’Envolée (est-ce lui qui court après les ailes ou le contraire?), bref c’était pour des raisons de santé mais il s’ennuie des jeunes. Ça reviendra souvent durant notre conversation : la belle jeunesse curieuse, ambitieuse, pleine de rêves… quand il la côtoie, ça le garde en vie. Va-t-il à l’épicerie? Il y voit de jeunes couples complices, accompagnés de leurs rejetons et il trouve ça beau. La jeunesse, la relève, l’avenir… « Les ados sont authentiques, ils te donnent l’heure juste. » Un trippeux, je vous dis. Donald a lui-même des petits-enfants. Spiritualité S’il a toujours eu beaucoup d’estime pour le Pape Jean XXIII, qu’il considère comme son idole et décrit comme ayant été un homme d’une simplicité désarmante, il n’est pas pour autant disciple de l’Église en tant que tel. Il prône plutôt une religion libérée, intérieure. Tous les soirs sans exception il se pose ces trois questions : « Qu’ai-je fait de bien aujourd’hui? Qu’ai-je fait de mal? Que pourrais-je corriger? ».

Grand lecteur captivé par l’Histoire, il a dévoré tout ce qu’il a pu trouver sur le Titanic, l’Empress of Ireland et le Bismark, pour ne nommer que ceux-là.
Fin observateur devant l’Éternel Une autre passion caractérise Donald Labillois : sa fascination pour les cimetières. Il en visite plusieurs, déambule au hasard, lit à voix haute les noms sur les pierres tombales en disant « Ça fait peut-être longtemps que t’as pas entendu ton nom, mais il y a encore quelqu’un qui pense à toi! ». C’est plein de vie un cimetière, dira-t-il, rappelant un certain Félix. Une tombe a-t-elle été négligée depuis belle lurette, il en gratte la mousse pour y lire le nom. Tout l’intéresse : les prénoms qui se transforment au fil des ans; les fausses tombes qui en contiennent une autre, tel un sarcophage, pour que la vraie ne touche pas la terre; les pissenlits, sa fleur favorite avec son jaune vif comme le soleil; les riches et les pauvres qui ont leurs lots propres. Ici cette remarque : ce sont les pauvres qui ont le plus de visite, avec leurs petits cartons de misère dactylographiés. Tout ça le fait voyager dans le temps et donne l’envie à ses interlocuteurs d’aller jeter un œil sur son monument favori : celui de l’Abbé Maurice Proulx, l’un des pionniers du cinéma documentaire au Québec. Une petite visite à Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud, ça vous tente?