16 avril 2024

Une nuit à l’urgence

La semaine dernière, je me suis retrouvée à l’urgence de notre hôpital pour un court séjour. Ainsi ai-je pu constater ce qui suit… Pendant que vous ne dormez pas - comment diantre le pourriez-vous dans pareille ambiance? - vous assistez à un spectacle rare: sous vos yeux défile au quotidien un condensé de la misère humaine. Patience, compétence et compréhension lui font face. Ploc, ploc, ploc, votre percolateur à bras égraine les secondes en gouttes de sérum. C’est la nuit des longues gouttes d’eau, où le seul traître est votre propre corps. Elle semblera interminable. Les patients - certains pas tant que ça - vont et viennent; une nouvelle civière, deux, trois, bientôt quatre. Ils remplaceront ceux qui ont réchauffé leur place.

Quelques-uns de ces derniers prendront le chemin d’une chambre à l’étage, certains plus chanceux celui de la maison et d’autres, enfin, la voie qui mène à un endroit inconnu. On ne les reverra plus.
Pendant ce temps - et c’est là le plus important car vous observez toujours attentivement - infirmières, préposés, médecins, stagiaires et ambulanciers s’affairent. On pète, on tousse, on vomit, on s’étouffe, on demande de l’aide, on pleure... Ils sont là. Eux ne s’énervent pas. Ils écoutent, ils soulagent. S’agit-il de ramasser les déjections dans les chaises d’aisance, de répéter dix fois à celui qui oublie que les examens c’est pour demain, que là c’est la nuit et qu’il faut faire dodo, le ton est toujours doux, apaisant. La moyenne des ours aurait depuis longtemps perdu toute patience et abandonné le combat. Eux, non. Ils m’ont franchement impressionnée. Depuis la pandémie on les appelle nos anges gardiens. Pourtant ils veillent sur nous depuis toujours. Bien gentil, se promener avec des pancartes pour les remercier et leur dessiner des arcs-en-ciel virtuellement vitaminés. Quand même, ça ne les aide pas vraiment. Que faire alors, que faire comme le disait notre cher Sol? Si l’on maintient un comportement responsable – autant que faire se peut - en évitant tout risque inutile, ce sera déjà ça de gagné. En attendant, chers travailleurs de la santé, sachez que vous faites l’objet de la plus profonde gratitude et de l’immense respect que vous méritez amplement. Et même là, il semble que ce ne soit pas encore suffisant.