22 avril 2024

Bordeline… mais pas folle! : un entretien avec Johanne Lavoie

Johanne Lavoie est auteure et conférencière. Atteinte d’un trouble de personnalité limite (TPL), elle consacre maintenant sa vie à aider les gens souffrant du même trouble qu’elle, ainsi que leur proche. Originaire des Laurentides, elle s’est récemment posée à Berthier-sur-Mer à la recherche de nouveaux défis. Elle a accepté de venir nous raconter son histoire dans le cadre de la semaine de la sensibilisation aux maladies mentales. En 2013, Johanne Lavoie traversait une période noire de sa vie. Aux prises avec un épisode de dépression majeur, elle perd l’énergie ou la motivation de réaliser la plupart des tâches du quotidien. « Avant d’en souffrir moi-même, j’étais pleine de préjugés à propos des troubles mentaux. Pour moi, quelqu’un de dépressif c’était quelqu’un de lâche. » Elle explique qu’elle avait aussi beaucoup de réticence à prendre les antidépresseurs qui lui avaient été prescrits à cause de mauvaises expériences que certains proches lui avaient confiées. Après plusieurs tentatives de traitement, son état ne s’améliorait pas vraiment et des intervenants lui ont alors proposé de rencontrer un psychiatre, ceux-ci étant d’avis que le problème n’était pas seulement la dépression. « Déjà d’admettre que j’étais en dépression c’était difficile pour moi. Mais j’ai tout de même fini d’accepter de passer le test pensant qu’on ne trouverait rien de toute façon. » Elle fut alors diagnostiquée avec un trouble de personnalité limite à l’âge de 43 ans. Elle a aussi appris qu’il n’existait pas de médicament pour traiter le trouble, qu’il fallait faire une thérapie de reprogrammation. Cela l’avait d’abord découragé, mais elle a finalement trouvé une thérapie qui a fonctionné pour elle. Mme Lavoie a ensuite décidé de prendre le risque de changer de carrière afin d’aider les gens qui, comme elle au début, était en recherche d’outils pour les aider à bien vivre malgré leur trouble mental. Elle a d’abord travaillé pour le CISSS des Laurentides avant de tenir ses propres rencontres. « J’ai créé un événement Facebook en me disant que si des gens avaient envie de venir parler du trouble de personnalité limite, nous en parlerions en groupe. Je m’attendais à recevoir trois ou quatre personnes, finalement une trentaine sont venus, j’ai même dû acheter des chaises! » Elle a ensuite suivi une formation en programmation neurolinguistique (PNL) et offre maintenant ses services aux gens. Un jour, elle partage son envie d’écrire un livre sur son parcours et le trouble avec lequel elle vit. Une maison d’édition lui partage rapidement son intérêt. Son premier livre, « Bordeline… mais pas folle! », sort en 2017. « Deux semaines après la sortie j’étais à l’émission de Denis Lévesque! » Il devient bestseller en quelques mois. Depuis, elle a publié six autres livres sur divers sujets comme son expérience à Compostelle, les relations amoureuses, etc. Elle travaille présentement sur une série de romans dans lesquels elle explore différentes facettes du TPL vécues par des personnages fictifs. Elle fait aussi plusieurs conférences à ce sujet pour sensibiliser les gens aux maladies mentales. Johanne Lavoie déplore le manque d’éducation sur les troubles de santé mentale. Elle croit que peu de gens les connaissent vraiment et qu’à cause de cela, plusieurs parents manquent de ressources lorsque certains troubles surgissent chez leurs enfants à l’adolescence. La stigmatisation autour du TPL est aussi un enjeu de taille à son avis. Elle confie que dans plusieurs contextes, les gens qui savent de quel trouble elle souffre la traitent comme si elle était en état de crise alors qu’elle est parfaitement stable. À son avis, des actions comme celles-ci rendent les maladies mentales encore plus taboues et renforcent le sentiment de honte que plusieurs personnes qui en souffrent ressentent. Mme Lavoie tente donc par l’entremise de ses actions de faire connaitre le TPL et de démontrer aux gens qu’il n’y a pas de raison d’en avoir honte. À propos du TPL Selon Santé Québec, une personne souffrant du trouble de personnalité limite vit souvent des relations instables ou des conflits avec ses proches. Elle a aussi une image d’elle-même souvent négative ou qui changera en fonction des gens qui l’entourent. Elle a une humeur changeante ainsi que des poussées de colère. Les gens qui en souffrent ont une très grande peur d’être abandonnés ou de la solitude. Ils présentent aussi souvent des comportements autodestructeurs ou impulsifs, comme les abus d’alcool ou de drogue, des dépenses exagérées, la conduite dangereuse, etc. Une personne atteinte de TPL exprime dans plusieurs cas des idées suicidaires. Environ 3% de la population en serait atteint.

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