03 mai 2024

Cri du cœur d’une victime d’acte criminel

Alors qu’il avait l’intention de profiter d’une retraite paisible, George*, un résident de la MRC de L’Islet a vu ses projets chavirer après avoir été victime d’un acte criminel soudain et gratuit qui l’a profondément marqué. Il dénonce aujourd’hui le système de justice québécois, qu’il qualifie de « froid et plus soucieux des droits des accusés que de celui des victimes ».

« Nous vivons dans un monde où le gentil doit aller chez le psychologue pour apprendre à supporter les choses que fait le méchant», cite l’homme avec philosophie. En effet, il relate avec émotion les événements dont il a été victime en octobre 2022. Par crainte de représailles, il souhaite garder l’anonymat.

Jusqu’à cette date, l’homme vivait une existence parfaitement respectable, sans histoire, semblable à celle de milliers d’autres Québécois. Le sexagénaire avait récemment décidé « de lever le pied » et de réduire progressivement ses heures de travail, question d’opérer une transition sans heurts vers les beaux jours de sa retraite. Durant sa vie active il avait accumulé un certain patrimoine, composé entre autres d’immeubles locatifs, lesquels devaient lui procurer une certaine sécurité au cours de son troisième âge. Ceux-ci faisaient sa fierté et il veillait à leur bon état minutieusement, afin d’assurer le bien-être de ses locataires.

Ainsi, par un jour ensoleillé d’octobre 2022, George se rend à l’une de ses propriétés de La Pocatière afin d’y réaliser les derniers préparatifs pour l’hiver sur le terrain en compagnie de son épouse. « Une jeune fille et l’un de nos locataires sortent de son logement avec un chien. Comme les animaux sont interdits, ma conjointe informe la dame de ce règlement. Cette dernière l’invective et la ridiculise, avant de quitter les lieux. Elle revient deux heures plus tard, toujours avec son chien. Là, c’est moi qui lui parle. Elle me manque de respect, me ridiculise et m’insulte. Je l’avertis que je téléphone à la police. Elle trouve cela bien drôle et m’invite à le faire, car de toute façon, elle ne la retrouvera pas. Finalement elle entre dans sa voiture, un hatchback rouge, la démarre, baisse sa vitre et continue de me crier des bêtises », raconte l’homme.

Plutôt qu’aller de l’avant, la dame enclenche la marche arrière, appuie sur l’accélarateur et frappe de plein fouet George qui hurle de douleur en tombant au sol. Elle quitte les lieux en trombe par la suite.

Elle est retracée par les agents de la Sûreté du Québec quelques heures plus tard et arrêtée. Elle est accusée d’avoir commis des voies de fait armées sur l’homme, l’arme étant sa voiture.

La fin n’est qu’un début

Depuis cette journée, la vie de George a complètement été bouleversée. Bien sûr, il vit encore avec les douleurs physiques découlant de l’incident. Néanmoins, ce sont ses blessures invisibles à l’œil qui l’affectent davantage. « C’est comme si j’étais emprisonné dans une pièce fermée d’où l’on ne peut pas s’échapper. C’est stressant et angoissant. C’est le chaos. Et cela prend toute mon énergie. Je suis fatigué. J’abandonne tous mes projets par manque de motivation et d’énergie », confie-t-il.

Après des mois de cauchemars, de nuits blanches, de perte de motivation dans tous les aspects de sa vie et de crises d’anxiété à chaque fois qu’il rencontre un hatchback rouge, il consulte un médecin qui lui diagnostique un trouble de stress post-traumatique. Il lui prescrit une médication et le réfère à un psychologue, auquel il n’a toujours pas eu accès car il est sur une liste d’attente.

Finalement il vend son immeuble à revenus de La Pocatière, là où sont survenus les événements, car le cœur n’y est plus.

Une justice pour les accusés et non les victimes

« Durant le processus judiciaire, je suis passé par toutes les émotions : l’impuissance, la frustration, la rage, puis un certain apaisement, partiel du moins », dénonce George.

En février 2024, après seize mois de délai, la jeune fille a choisi de plaider coupable à l’infraction reprochée. En fait, en octobre 2022, un passant a été témoin des événements et il a fourni une déclaration aux policiers confirmant la version de la victime. La force probante de ce témoignage neutre provenant d’une tierce personne étrangère au dossier rendait vains tous les efforts de la défense pour obtenir un acquittement.

C’est à ce moment que la victime a appris qui était son agresseuse. Étudiante à la maîtrise à l’Université Laval, elle souhaitait éviter un casier judiciaire en obtenant une absolution car elle désirait effectuer des stages à l’étranger. Après avoir consulté la délinquante mais pas l’homme présent dans la salle et qui vit d’importantes séquelles psychologiques à chaque ajournement, la juge a remis le dossier à mars 2024 afin qu’un rapport présentenciel soit rédigé. « C’est encore l’accusée qui a priorité. Ses droits doivent être respectés, mais que fait-on des miens ? qu’est-ce qu’on fait des droits de la victime ? » dénonce-t-il.

En prévision de l’audience finale, George prépare une déclaration de victime écrite pour relater au tribunal les conséquences du crime qu’il a subi, conformément aux indications du Code criminel. Or, lors de celle-ci, la juge hésite à lui donner le droit de la lire, ce qu’il peut finalement faire. « Oui, ça m’a fait du bien. Par contre, tout au long du processus judiciaire, je me suis senti abandonné et ignoré par le système », énonce-t-il.

Au final, la magistrate a accordé l’absolution à l’accusée, conditionnelle à une probation de dix-huit mois avec suivi, au paiement d’un don de 375$ et à l’accomplissement de cinquante heures de travaux communautaires.

Invitée à prononcer le mot de la fin, celle-ci a préféré se taire plutôt que de présenter ses excuses à George qui se trouvait à quelques mètres d’elle.

* George est un nom fictif.