
Emprisonnement dans la collectivité pour un policier qui a commis de graves manquements

Ghislain Doiron a été policier pendant environ 30 ans, dont plusieurs pour la Sûreté du Québec dans la région de Montmagny. Il doit maintenant purger neuf mois d’emprisonnement dans la collectivité après avoir plaidé coupable à des accusations criminelles qui lui reprochaient d’avoir commis plusieurs erreurs dans des dossiers d’enquête, dont une menant à l’abandon des accusations dans un dossier de négligence criminelle causant la mort.
Ghislain Doiron avait choisi de plaider coupable à deux chefs d’accusation qui lui reprochaient d’avoir enfreint l’article 128 du Code criminel soit, « en étant agent de la paix chargé de l’exécution d’un acte judiciaire, avoir volontairement commis une prévarication dans l’exécution de cet acte », c’est-à-dire d’avoir commis un grave manquement dans le cadre du mandat qui lui avait été confié. Ces accusations regroupent cinq événements survenus à Montmagny entre juin 2010 et avril 2013 et entre mai 2009 et mars 2021.
Le premier événement remonte à novembre 2009 alors que Doiron est assigné à une enquête criminelle en matière de négligence criminelle causant la mort et de négligence criminelle causant des lésions impliquant un véhicule lourd qui a été saisi comme pièce à conviction. Une inspection de ce véhicule est rapidement réalisée. En juin 2010, Doiron signe le formulaire qui permet la libération de la pièce à conviction, le véhicule est donc retourné à son propriétaire. C’est toutefois en septembre 2010 que l’enquête progresse suffisamment pour que des accusations criminelles soient déposées dans le dossier. La défense demandera alors de réaliser une contre-expertise sur le véhicule. M. Doiron informe ensuite les avocats qu’il avait déjà libéré le véhicule, car il avait reçu l’autorisation d’un procureur. « La preuve démontre que l’accusé a libéré le véhicule lourd avant la fin des procédures, sans l’accord du Tribunal ou du DPCP (Directeur des poursuites criminelles et pénales). Il a également rédigé un rapport d’enquête dans lequel il est indiqué que « le camion avait été libéré avec l’accord du procureur ». Puis, il a changé sa version en mentionnant plutôt que le véhicule était déjà libéré quand il a signé le document de libération. Or, ces deux versions sont inexactes selon la preuve documentaire et les témoignages recueillis », peut-on lire dans le jugement. Finalement, le Tribunal devra accepter la demande de la défense dans ce dossier et les accusations devront être abandonnées, car les actions du policier ont rendu la contre-expertise impossible à réaliser.
Les cinq autres événements entre 2009 concernent la fermeture non autorisée d’enquêtes, la dispensation de pièces d’évidences ainsi que la rédaction de rapports fautifs. Trois des dossiers ont finalement été réglés par un plaidoyer de culpabilité, les accusations ont été abandonnées dans un dossier pour d’autres motifs, mais, dans un cas, le DPCP a dû mettre fin aux procédures à cause de l’insuffisance de la preuve, car l’accusé avait fermé l’enquête sans autorisation.
Dans le jugement, il est également noté que M. Doiron avait environ 30 ans d’expérience comme policier. Originaire de la région de Québec, il avait d’abord agi comme patrouilleur puis gravit les échelons pour ensuite occuper le poste d’enquêteur dans la région de Montmagny. Il est suspendu depuis 2021. En parallèle avec son travail de policier et depuis sa suspension, il s’implique dans plusieurs projets entrepreneuriaux dans différents domaines comme l’immobilier et la restauration. Il n’avait pas d’antécédent judiciaire.
Nuire à l’image de sa profession
Selon le jugement, M. Doiron n’aurait pas vraiment montré de remords à la suite de ses actions. « Lors de l’audience sur la détermination de la peine, l’accusé, tout en reconnaissant avoir commis des erreurs, continue à se justifier. Il parle notamment de sa surcharge de travail, de son conflit avec son supérieur immédiat qui l’aurait harcelé et qui serait à l’origine des présentes plaintes criminelles. Il pense encore avoir été victime d’une campagne de salissage. » À cela, le juge Pierre Lortie répond qu’il trouve étonnante une grande surcharge de travail, car l’accusé s’impliquait déjà dans plusieurs projets entrepreneuriaux à l’extérieur de son travail de policier. Il souligne également que le supérieur immédiat n’était pas la seule personne impliquée dans les poursuites.
Le juge considère également le statut de policier de l’homme comme étant un facteur aggravant dans cette affaire, car « en effet, le public peut perdre confiance envers le système, ce qui nuit à l’image de la profession. » Il souligne aussi que les gestes ont un caractère répétitif, car ils se produisent sur une période de plus de 10 ans.
Pour ces infractions, la poursuite demandait une peine de détention dans la collectivité d’un total de 18 mois, alors que la défense souhaitait obtenir une absolution conditionnelle.
Le juge Lortie décide finalement que l’absolution conditionnelle dans cette affaire serait contraire à l’intérêt du public et choisit l’emprisonnement dans la collectivité comme le proposait la poursuite. La peine est toutefois de plus courte durée, car M. Doiron s’est vu imposer neuf mois de détention pour chacun des chefs d’accusation, mais elles peuvent être purgées de manière concurrente.


