Marie-Line Baptiste est elle-même issue de l’immigration et elle consacre sa vie professionnelle à l’apprentissage du français chez les nouveaux arrivants. Elle partage avec le Journal son expérience, particulièrement au Centre d’éducation des adultes, qui démontre qu’il peut être long et difficile pour les travailleurs étrangers de maitriser la langue, même s’il s’agit d’un apprentissage essentiel.
Ses élèves varient autant en âge qu’au niveau de leurs origines. « Beaucoup arrivent d’Afrique du Nord, nous en avons aussi du Mexique, de la Colombie, du Guatémala et du Chili. Nous avons quelques personnes qui viennent d’Haïti. C’est très varié. » L’enseignante ajoute que plusieurs de ses élèves parlent assez bien français, car pour plusieurs il s’agit d’une langue utilisée dans leur pays d’origine, mais qu’ils ont souvent beaucoup de travail à faire au niveau de l’écrit.
Environ 75 % des tâches de Mme Baptiste au sein du Centre de services scolaire de la Côte-du- Sud sont au Centre d’éducation des adultes Montmagny/L’Islet-Nord. Elle a aussi des élèves à sa charge à l’École secondaire Louis-Jacques- Casault. Selon les dernières informations qu’elle a reçues, il y en aurait environ 450 inscrits dans la région en francisation présentement.
Selon Mme Baptiste, le niveau requis par le gouvernement afin d’obtenir sa citoyenneté est quand même élevé. Pour des élèves qui arrivent avec un niveau débutant et qui étudient à temps partiel, en plus d’occuper un emploi et d’avoir une famille, cela peut prendre des années avant d’y arriver. En effet, il faut passer un certain nombre d’heures en classe avant de pouvoir passer l’examen pour accéder au niveau supérieur et, à chaque niveau, ce nombre d’heures augmente.
En effet, dans la région, la majorité des gens étudient à temps partiel. « Dans le passé, j’ai travaillé à Québec où les élèves étaient à l’école à temps plein pour apprendre le français. Ils passaient donc beaucoup plus vite au niveau supérieur. Ici, c’est différent car la plupart des gens issus de l’immigration ont été ainvités par les entreprises, il faut donc respecter les demandes de l’employeur. Les gens travaillent donc de jour ou de nuit. Beaucoup travaillent dans des usines ou des fermes, ils ont de grosses journées de travail et ils viennent en classe après. C’est difficile pour eux d’avoir les capacités optimales pour étudier et assimiler la matière dans ces conditions, mais ils n’ont pas le choix. »
Un classement difficile
L’enseignante explique que le gouvernement est responsable de faire le classement des élèves en évaluant de leur niveau de français. Elle ne comprend toutefois pas pourquoi ces évaluations se font par téléphone : « Je crois que le téléphone est le moyen de communication le plus difficile pour la plupart des immigrants. Nous avons très souvent des gens qui ont été mal classés car ils sont paralysés par le téléphone, mais ils arrivent dans nos classes et on réalise que leur maitrise du français est vraiment meilleure que celle des autres étudiants dans leur niveau.» Ensuite, si les gens sont capables de répondre aux questions par téléphone, ils passent un examen écrit. Sinon, ils sont automatiquement classés dans les niveaux les plus faibles.
Au Centre d’éducation des adultes, les classes contiennent des étudiants de plusieurs niveaux. Certains groupes de Mme Baptiste avaient des élèves qui n’avaient pas une assez bonne maitrise de la langue pour pouvoir se présenter et d’autres qui parlaient assez bien. Cela ajoute donc un défi à l’enseignante, car les groupes contiennent souvent des élèves qui sont à des étapes d’apprentissage complètement différentes et qu’il est difficile de planifier des cours qui aideront tous ces gens à progresser.
Un apprentissage essentiel
Bien qu’elle reconnaisse qu’il peut être difficile d’apprendre le français dans ces conditions complexes, Marie-Line Baptiste encourage les nouveaux arrivants à persévérer car elle considère qu’une bonne maîtrise de la langue est importante à plusieurs niveaux : « Dans les entreprises et dans les fermes, c’est important pour la sécurité. Ça permet de bien comprendre les consignes visant à s’assurer d’être bien protégé. ce qui concerne l’administration, c’est beaucoup plus facile d’obtenir ses papiers pour les travailleurs temporaires par exemple qui aimeraient faire venir leur famille. Bien sûr pour ceux qui veulent rester et s’établir ici de façon permanente, il faut passer l’examen pour obtenir sa citoyenneté. Ça favorise aussi l’intégration de savoir se débrouiller en français pour aller magasiner, échanger avec les gens... »
Même si elle admet que l’enseignement dans ces classes est parfois difficile et que cela lui demande beaucoup d’énergie, Mme Baptiste dit adorer son métier et de ne regretter aucunement sa décision de devenir enseignante en francisation. « C’est un métier formidable. Pour moi c’est certain que c’est un défi, mais j’aime travailler dans le multiculturel. Plus il y a de nationalités différentes autour de moi, plus j’aime ça. Je crois que côtoyer ces gens m’apporte quelque chose à moi aussi. Plusieurs ont des parcours et des histoires très inspirants. »