23 mai 2025

«Il est minuit moins cinq» pour régler le dossier des travailleurs étrangers temporaires

Accompagnés de plusieurs entreprises manufacturières des régions de la Capitale-Nationale et de la Chaudière-Appalaches, Frédéric Marier, président-directeur général chez Teknion Roy & Breton, et Julie White, présidente-directrice générale chez Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ), ont lancé un appel aux gouvernements provincial et fédéral, le 21 mai dernier, afin de régler le dossier des travailleurs étrangers temporaires (TET) d’ici le 24 juin prochain.

Collaboration spéciale - Alexandre Bellemare, Journal de Lévis

Rappelons d’emblée que depuis l’année dernière, les paliers de gouvernement provincial et fédéral ont limité les quotas de TET pour les postes à bas salaires à 10 % plutôt que les 20 % qui étaient déjà en place.

«On vit tous énormément d’incertitude avec les nouvelles mesures qui viennent limiter le nombre de TET que nous pouvons engager au sein de nos entreprises. Les nouvelles mesures ont comme impact, pour plusieurs d’entre nous, que nous devons déjà laisser aller certains de nos travailleurs qualifiés», a mis en lumière Frédéric Marier ajoutant que l’on compte 140 TET au sein de son équipe de 1 200 employés.

Déjà, l’entreprise qui possède sept usines entre Laurier-Station et Montmagny a déjà dû laisser partir quatre TET en raison des demandes gouvernementales.

«Après la pandémie et maintenant avec la guerre tarifaire, nous ne pouvons tout simplement pas laisser les entrepreneurs dans un tel niveau d’incertitude pendant encore plusieurs mois. Il faut régler la situation (des TET), et ce, d’ici le début de l’été», a-t-il martelé.

De son côté, Julie White constate que la majorité des questionnements des entreprises membres de MEQ portent sur les TET, bien avant les enjeux tarifaires à la frontière américaine. Si la situation dans le secteur manufacturier est semblable, notamment dans les régions de la Montérégie, du Bas-Saint-Laurent et du Saguenay-Lac-Saint-Jean, la Chaudière-Appalaches et la Capitale-Nationale sont particulièrement impactées.

«On a plus de 12 000 postes vacants dans le secteur manufacturier au Québec et dans la région de Québec et de la Chaudière-Appalaches, ce sont 2 000 postes vacants, sans compter le vieillissement de la population. On a de la difficulté à trouver des gens qui sont capables de remplir des postes qui sont nécessaires pour maintenir une capacité de production, remplir des contrats déjà en cours. Ça a des impacts sur le chiffre d’affaires, mais également sur les travailleurs québécois qui ne seront pas capables de conserver leur emploi si certains quarts de travail ne peuvent plus être maintenus», a expliqué présidente-directrice générale de MEQ.

Des impacts à venir

Selon les données d’une étude récemment menée sur le territoire auprès d’une vingtaine d’entreprises, on constate que 50 à 100 postes seront à combler au cours des trois à cinq prochaines années chez chacune des entreprises répondantes, que les mesures actuellement en place engendreront des coupures de 10 postes de TET en moyenne chez chacun des répondants, une perte de chiffre d’affaires de 10 % à 30 % ainsi qu’un transfert possible d’activités vers les États-Unis ou à l’arrêt complet de leurs opérations.

«On arrive à un moment où on va commencer à perdre un nombre assez important de TET à travers le Québec. C’est pourquoi c’est un dossier qu’on doit régler rapidement et avoir une espèce de clause grand-père pour minimalement garder les travailleurs déjà à l’emploi [...] On a un compte à rebours qui commence et c’est important pour nous de trouver une solution rapidement, a soutenu Julie White. Il est minuit moins cinq. [...] C’est encore le temps pour les gouvernements de corriger la situation et je pense que c’est ça qu’il faut retenir aujourd’hui. Oui, il y a des impacts, mais on peut arrêter l’hémorragie et régler la situation.»

L’incertitude et la crainte sont présentes pour les nombreux entrepreneurs présents lors de l’annonce.

«Déjà, en 2021 et 2022, on n’a pas été en mesure d’avoir tous les TET qu’on aurait souhaités. Ces années-là, on a eu 5 M$ de chiffre d’affaires récurrents qui étaient transférés au Mexique. On ne souhaite pas revivre ces années-là. On veut conserver nos TET et même avoir la possibilité d’en recruter d’autres», a partagé Dany Tremblay, directeur général de Plastiques Gagnon, qui emploie 40 TET sur 180 employés.

Un dossier qui avance

Malgré la situation actuelle, Julie White reconnaît que le dossier a fait du chemin dernièrement.

«Dans les derniers mois, on est passé à des paliers de gouvernement complètement fermés à parler de la situation à des gouvernements qui écoutent et qui prennent en considération. Pourquoi sortons-nous aujourd’hui? C’est pour accélérer la résolution de ce dossier-là», a-t-elle avancé.

Concrètement, ce sont quatre ajustements qui sont demandés par le groupe, c’est-à-dire, l’instauration d’une clause de droits acquis pour les TET déjà présents au Québec, l’adaptation du Programme des TET aux réalités régionales, l’exclusion des permis simplifiés du calcul du pourcentage maximal de TET et la mise en place d’un processus accéléré pour les entreprises pouvant démontrer le succès de leurs expériences antérieures avec le recrutement et l’intégration de TET au sein de leur équipe.