
La plupart des jours depuis le retour de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis s’accompagnent d’une nouvelle annonce économique provenant de nos voisins du sud. Les MRC de Montmagny et L’Islet sont très manufacturières avec plusieurs entreprises qui exportent leurs produits de l’autre côté de la frontière. Plusieurs s’inquiètent donc des impacts qu’il pourrait y avoir pour ces compagnies qui sont également parmi les plus grands employeurs dans la région. Les dirigeants de ces dernières semblent maintenir le cap pour le moment, mais plusieurs mentionnent que ce ne sont pas que les tarifs qui inquiètent, mais davantage l’instabilité économique causée par ces annonces qui s’enchaînent.
Groupe Lebel, un habitué de la guerre tarifaire avec les États-Unis
Groupe Lebel possède une vingtaine d’usines dans les provinces de Québec, Ontario et Nouveau-Brunswick. Son principal secteur d’activité est le bois d’œuvre, soit le bois utilisé dans la construction de bâtiment. Dans les MRC de Montmagny et L’Islet, Groupe Lebel possède quatre usines de sciage, soit celles de Saint-Just-de-Bretenière, Saint-Pamphile, Saint-Jean-Port-Joli et Sainte-Perpétue. Cela représente environ 450 emplois dans la région.
Pierre-Olivier Morency, directeur Croissance et Innovation chez Groupe Lebel, explique que l’entreprise exporte environ 50 % de ses produits aux États-Unis. Pourtant, le bois d’œuvre est un produit sur lequel des tarifs de 14,5 % sont déjà appliqués. En effet, ce secteur de l’industrie est visé par des mesures économiques américaines depuis plusieurs années. Même si la proportion a reculé dans les dernières années, les États-Unis importeraient toujours environ 25 % de leur bois d’œuvre.
« Les Américains ont besoin du bois canadien. Contrairement à ce que prétend le président américain, ils ne sont pas autosuffisants », souligne M. Morency. Il ajoute que, même si les entrepreneurs de l’industrie de l’autre côté de la frontière mettaient tout en place pour produire plus, il s’agirait d’un processus de longue haleine et d’un but difficile à atteindre.
Alors que les États-Unis sont également confrontés à une crise du logement et que de nouvelles constructions sont nécessaires, M. Morency ne croit donc pas à une baisse de la demande. Il est toutefois d’avis que le prix en hausse du bois aura éventuellement un impact sur le prix des nouvelles propriétés du côté américain.
Si les tarifs de 25 % proposé par le président américain étaient appliqués, ils viendraient s’ajouter au 14,5 % qui est déjà en place. La taxe serait donc de 39,5 % pour les Américains qui achètent du bois canadien.
Pour M. Morency, les opérations continuent leur rythme normal pour le moment. Il souligne toutefois que l’incertitude économique que créent les annonces qui se succèdent aux États-Unis fait ralentir plusieurs entrepreneurs. « Je suis convaincu qu’il n’y aura pas d’entreprises ou d’entrepreneurs qui vont annoncer un gros projet prochainement. »

Rousseau s’ouvre vers l’Europe
Rousseau Métal fête ses 75 ans cette année. L’entreprise de Saint-Jean-Port-Joli offre des solutions en matière d’organisation et d’optimisation des espaces de travail. Elle emploie environ 380 personnes.
Selon le président-directeur général, Charles-Alexandre Paré, le marché américain est très important pour Rousseau Métal. « Nous avons beaucoup de discussion avec nos partenaires américains, car ça fait très longtemps que nous faisons affaire avec eux. Même de leur côté ils vivent l’incertitude, car ils ont vendu des projets et ils ne veulent pas retourner vers leurs clients avec une augmentation. »
Au niveau de l’approvisionnement, M. Paré souligne qu’il ne verra peut-être pas l’impact de l’imposition des tarifs de chaque côté de la frontière à court terme, car l’acier est acheté plusieurs semaines à l’avance afin d’assurer que l’usine ait toujours l’inventaire nécessaire à sa production. Il affirme toutefois que l’acier était déjà en hausse de prix, même avant l’imposition de tarifs.
Pour M. Paré, l’incertitude économique est la chose qui est le plus difficile pour son équipe et lui. « Toutes les annonces créent beaucoup d’incertitudes et d’inquiétudes. C’est une incertitude qui crée un ralentissement non seulement canadien, mais aussi nord-américain. C’est en train de pousser à ce point-là. Il faut être prêt à ça, car nous en avons encore pour peut-être quatre ans. »
M. Paré conclut en soulignant que le marché européen faisait partie des objectifs de Rousseau Métal dans les prochaines années. Le plan de l’entreprise a toutefois été revu afin de prioriser la création d’opportunités de ventes de l’autre côté de l’océan. « Nous accélérons la diversification. J’ai maintenant un représentant en Europe. »

Amisco continue de cibler le marché américain
Le fabricant de meubles Amisco a quatre usines au Québec, soit à L’Islet, à Saint-Pascal et deux à Shawinigan. Cela représente environ 500 employés.
Le président Luc Robitaille avoue que les États-Unis représentent une grande part de marché pour Amisco. « C’est certain que ça affecte notre quotidien. Par contre, nous avons pris plusieurs mesures pour réduire au maximum l’impact, autant du côté canadien qu’américain. Nous voulons rester le plus compétitifs possible dans le marché. » M. Robitaille mentionne que l’entreprise offrira notamment des rabais à ses clients américains. Même si ces derniers ne pourront pas absorber la totalité du 25 %, cela permettra de conserver des prix compétitifs à son avis. Il souligne aussi qu’Amisco a également tenté de trouver davantage de fournisseurs canadiens pour ses matériaux.
Amisco continuera toutefois de viser le marché américain, car il demeurerait avantageux selon M. Robitaille. « Il y a un grand besoin en termes de meubles du côté américain, car ils ont un grand besoin de constructions neuves. Ils ont à peu près les mêmes problèmes que nous en termes de logements. » Il ajoute être en contact avec l’Association américaine des fabricants de meubles qui affirmerait que les États-Unis ne sont présentement pas dans une position qui permet aux Américains d’être autosuffisants. « Ils sont environ à 4 % pour le taux de chômage, c’est presque le plein emploi. La main-d’œuvre n’est pas disponible et ce qu’on entend du côté des fabricants américains c’est qu’ils ne sont pas capables de fournir à la demande. »
M. Robitaille ajoute que les annonces des États-Unis créent une instabilité qui rend la prise de décision vraiment difficile pour les entrepreneurs. « C’est comme si on jouait aux dards avec une cible qui bougent constamment. C’est difficile de faire un bon coup, car lorsque tu crois viser au bon endroit, la cible change de place. »

Avantis : Le pouvoir d’achat aura un impact
Lors de son assemblée générale, les dirigeants d’Avantis Coopérative ont été questionnés sur l’impact potentiel des mesures économiques du gouvernement américain sur cette entreprise qui agit dans plusieurs secteurs du milieu de l’agriculture.
Malgré sa diversité, Avantis réalise la plus grande partie de ses profits sans avoir à faire traverser de la marchandise de l’autre côté de la frontière. « Avantis exporte très peu, excepté la viande de porc via Olymel. On comprend toutefois que pour Olymel, avec la diversité de son portefeuille et le taux de change à la baisse, les impacts seraient probablement minimes. En contrepartie, ce qu’on prévoit comme conséquences, comme nous sommes surtout dans le commerce de détail, la machinerie, etc., c’est au niveau de la clientèle avec l’impact au niveau économique », explique le Chef de la direction Michel Delisle. Il précise que la perte d’emploi au Québec et l’inflation pourraient diminuer le pouvoir d’achat des consommateurs, donc les revenus des commerces d’Avantis comme les succursales BMR.
M. Delisle ajoute qu’Avantis pourrait aussi être impacté par les contre-tarifs sur la machinerie, car beaucoup d’équipement serait fabriqué aux États-Unis.
Dans le cas où la gestion de l’offre devait être renégociée, le président d’Avantis, Frédéric Martineau, précise que l’entreprise pourrait voir certains impacts, car elle possède des quotas dans le secteur avicole. M. Martineau croit toutefois que ce sont les membres de la coopérative qui auraient le plus de conséquences. « Ce n’est pas la première fois qu’il va y avoir une négociation. Personnellement je pense qu’on a encore confiance au gouvernement canadien quand ils nous disent qu’ils veulent protéger la gestion de l’offre », souligne M. Martineau.



