19 mai 2024

Meggie Bélanger, main de fer dans un gant de velours

Meggie Bélanger, huissière de justice, a parcouru de fond en comble les quatre coins des MRC de Bellechasse, Montmagny, L’Islet, Les Etchemins et Kamouraska au cours des quinze dernières années. Exécutant ses fonctions délicates avec passion et conviction, elle est une force tranquille dont la main de fer dans un gant de velours accomplit de grandes choses au quotidien.

Rencontrée à son bureau de Montmagny entre une éviction de locataires et une signification de procédures, Meggie Bélanger est souriante et spontanée. Elle raconte avec enthousiasme et solennité son quotidien.

« Fondamentalement, mon travail consiste à livrer de mauvaises nouvelles aux gens. C’est gros ce que j’ai comme responsabilités. Les documents que je leur communique vont changer leur vie dans la plupart des cas », explique-t-elle.

Concrètement, au Québec, le travail d’un huissier de justice consiste notamment à remettre directement des documents juridiques à des destinataires, exécuter des décisions de justice, constater officiellement certaines situations et enfin récupérer de l’argent dû ou des biens en défaut de paiement.

Une approche humaine qui porte fruit

« J’exécute les mandats confiés avec professionnalisme et efficacité. C’est ancré en moi » soutient Meggie Bélanger. Du même souffle, elle ajoute que son approche humaine lui permet d’obtenir de meilleurs résultats pour ses clients.

Elle explique que son travail n’est pas de juger les gens qu’elle visite et de leur taper sur la tête pour qu’ils s’enfoncent davantage. Elle souhaite régler les dossiers pour le bien de toutes les parties impliquées.

« On ne s’habitue jamais à la misère humaine. Même si je suis huissière et que j’ai un travail à faire, j’ai aussi un cœur », confie-t-elle. Au quotidien, elle est confrontée à un grand éventail de situations. « Certaines personnes que je visite sont en difficulté à cause d’événements fortuits, hors de leur contrôle, comme la maladie. D’autres ont le don de se mettre dans la misère à répétition. Certaines me reconnaissent dès que je sonne à leur porte, car elles voient mes cheveux frisés à la fenêtre », raconte-t-elle.

D’ailleurs, celle-ci maintient la discrétion dans ses interventions et elle conduit un véhicule anonyme qu’elle change régulièrement pour éviter que certaines personnes s’habituent et prévoient sa venue.

« L’écoute des personnes en difficulté auprès desquelles j’interviens, c’est ce qui importe. Bien souvent, elles sont fâchées et émotives. Je les écoute quand même. Je ne le prends pas personnellement. Elles me racontent des histoires abracadabrantes, des histoires comiques, des histoires touchantes. Bref, elles ventilent avec moi leurs émotions », énonce l’huissière qui, d’ailleurs, ne lit aucune des procédures ou des documents qu’elle signifie en détail. Elle constate « qu’après avoir vidé leur sac», ces personnes se ressaisissent. Elles sont alors davantage disposées à comprendre les prochaines étapes de leur dossier ou à le régler.

Dans bien des cas, les personnes en difficulté s’ouvrent à l’huissière à propos de certaines difficultés personnelles. Elle les oriente alors vers les ressources appropriées afin qu’elles brisent le cycle de la misère dans lequel elles s’enfoncent.

Un message à livrer, au-delà des écrits

« À presque toutes les fois que je repars d’une résidence ou j’ai livré une procédure ou un document les gens me remercient, même si la situation ne fait pas leur affaire. Pour moi, il est important qu’ils reçoivent le message et qu’ils le comprennent », révèle Mme Bélanger.

Elle est même appelée à signifier des procédures d’homologation de mandats en cas d’inaptitude aux aînés en perte d’autonomie dans les CHSLD, des documents qui doivent être remis en main propre à ceux-ci selon le Code civil du Québec. « Je prends le temps, je m’assois sur leur lit et j’essaie de trouver les mots pour leur expliquer. Mon approche rassure les familles et les aidants naturels qui traversent eux aussi cette épreuve », déclare-t-elle.

À la fin d’une journée de travail, durant laquelle elle a parcouru des centaines de kilomètres sur les routes cahoteuses et sinueuses de nos MRC pour livrer de « mauvaises nouvelles », celle-ci a le sentiment du devoir accompli puisqu’elle a rempli ses mandats avec professionnalisme, efficacité et délicatesse.

Une véritable vocation

Meggie Bélanger a fêté son 15e anniversaire d’assermentation à titre d’huissière le 30 avril dernier. Avec émotion, elle relate que c’est la profession qui l’a choisie : « Alors que je complétais ma technique juridique, j’ai passé une journée avec un huissier. Je me suis dit que c’était un métier hors du commun. J’ai travaillé dans son bureau durant l’été et j’ai eu un coup de foudre pour la profession », déclare celle qui a ensuite suivi sa formation professionnelle auprès de la Chambre des Huissiers du Québec. Cette dernière apprécie particulièrement la liberté professionnelle que lui procure son métier et sa dimension humaine.

Depuis son assermentation, l’huissière s’est impliquée au sein du conseil d’administration de son ordre professionnel et dans différents comités. « Nous avons besoin d’une relève dans notre profession, il manque de jeunes comme moi. Nous sommes environ 450 huissiers à la grandeur du Québec, dont près de 75 % dans la région de Montréal. Je prends la parole pour ceux qui ne le font pas et je sens que j’ai un impact sur la profession », confie-t-elle.

L’inflation et la COVID-19 laissent des traces

« L’inflation touche les gens. Depuis la COVID-19, je constate une situation économique que j’ai de la difficulté à décrire. Présentement, il y a beaucoup de reprises de maison et je saisis des voitures comme jamais auparavant. Cette semaine, j’ai effectué trois expulsions de locataires, un record hebdomadaire depuis le début de ma carrière », explique Meggie Bélanger. De plus, elle parcourt maintenant entre 1 500 et 1 600 kilomètres chaque semaine, soit environ 500 kilomètres de plus que dans le passé.

Enfin, Meggie Bélanger constate que les problèmes de santé mentale touchent de plus en plus les gens qu’elle visite. Elle explique que plusieurs citadins ont fui les centres urbains pour emménager dans la région à cause du coût de la vie moins élevé, mais que ceux-ci ont de la difficulté à s’adapter