Les montants importants versés en indemnisation aux usagers de la route impliqués dans un accident causé par l’alcool au volant font écho aux constats des intervenants judiciaires sur le terrain, qui observent que certains conducteurs continuent de conduire avec les facultés affaiblies malgré tout.
Me Jeremy Lamonde est procureur de la Couronne dans le district judiciaire de Montmagny depuis quelques années. Au quotidien, son travail consiste à traduire en justice les délinquants de l’alcool au volant.
« En 2024, l’alcool au volant demeure un fléau dans notre société. C’est l’un des crimes les plus fréquemment commis dans notre district judiciaire. À chaque cour de pratique [la séance bimensuelle consacrée aux comparutions et à la gestion des dossiers], il y a au moins une dizaine de ce type de dossiers inscrits au rôle », déclare-t-il.
D’ailleurs, il indique qu’une particularité liée à ce délit est que les délinquants qui le commettent n’ont pas de profil type, qu’ils sont de tous genres, âges et situations socioéconomiques. « Personne n’est à l’abri d’avoir un écart de jugement et de prendre le volant sous l’effet de l’alcool », ajoute-t-il.
Il rappelle que dans les dernières années, le gouvernement canadien et les tribunaux supérieurs ont lancé un appel au durcissement des peines imposées lors d’une déclaration de culpabilité et que les contrevenants doivent dans bien des cas purger une peine de détention, tout dépendant des circonstances du crime.
Un avocat de la défense, qui souhaite garder l’anonymat pour ne pas nuire au déroulement de ses dossiers judiciarisés, partage certains des constats de Me Lamonde. « Les accusés de conduite avec les facultés affaiblies que je représente proviennent de tous les horizons. De plus, il s’agit de l’antécédent judiciaire le plus fréquent dans les dossiers de mes clients récidivistes », explique-t-il.
Selon lui, les circonstances de la commission de cette infraction sont tout à fait particulières et singulières. « Il est très rare qu’un délinquant la commette en ayant pleinement conscience de l’affaiblissement de ses capacités et de la dangerosité qu’il représente sur la route. D’un côté, certains qui ont moins consommé sont convaincus qu’ils sont en état de conduire. D’un autre côté, certains qui ont ingurgité une importante quantité d’alcool perdent totalement leur jugement et n’ont plus conscience de leur dangerosité sur la route », énonce-t-il.
Finalement, il constate un sentiment de honte et des regret chez la plupart de ses clients, de même qu’une méconnaissance de leurs droits et du système judiciaire.
Une étude révélatrice
L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) s’est intéressé aux impacts de la conduite avec les facultés affaiblies. Dans une publication, elle rappelle qu’en 2021, la conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool est une des principales causes de décès sur les routes. En 2020, 31,9 % des conducteurs décédés sur les routes ayant subi un test d’alcoolémie dépassaient la limite permise de 80 mg d’alcool par 100 ml de sang. Elle indique que conduire avec une alcoolémie variant entre 51 et 80 mg d’alcool par 100 ml de sang augmente d’environ quatre fois le risque de collision mortelle. Le risque de collision mortelle s’accroit de manière exponentielle au fur et à mesure que l’alcoolémie augmente. Selon un sondage réalisé au mois de janvier 2021 par la Société de l’assurance automobile du Québec, 39,0 % des Québécois ont admis avoir conduit dans les quatre heures suivant la consommation d’alcool dans la dernière année.