Un homme du district judiciaire de Montmagny pensait bien ne pas faire face à la justice lors qu’il a soufflé un taux d’alcool de 0,079 %, soit 0,001 % de moins que la limite de 0,08 % prévue par le Code criminel. Malgré cela, des accusations ont été portées contre lui et il a été reconnu coupable d’avoir conduit un véhicule à moteur avec les facultés affaiblies le mardi 19 mars dernier.
En apparence, Patrick*, un résidant de la MRC de Montmagny âgé dans la quarantaine, ressemble à monsieur et madame Tout-le-Monde et vit une existence sans histoires. Il est apprécié de son employeur, une entreprise dans le domaine de la construction pour laquelle il travaille depuis plusieurs années. Néanmoins, il vit dans l’isolement car il a de faibles habiletés sociales découlant de difficultés d’élocution.
Le vendredi, 20 septembre 2019, il s’est rendu au Restaurant Délice de Lévis pour se faire ‘’une petite complaisance’’. Dans la soirée, il consomme un repas avant d’aller s’asseoir au bar pour sociabiliser avec les autres réguliers et les serveuses. Entre 21 h et 1 h du matin, il consomme de cinq à six boissons alcoolisées avant de reprendre la route pour retourner à son domicile.
Vers 2 h 15 dans la nuit du 21 septembre 2019, alors qu’il circule sur le chemin des Poirier à Montmagny, à la hauteur de l’hôtel L’Oiselière, il croise un véhicule de patrouille de la Sureté du Québec. Les deux agentes de police s’intéressent à son véhicule et font demi-tour pour le suivre. Elles constatent que jusqu’à l’intersection de la rue St-Jean-Baptiste Ouest, soit une distance d’environ 400 mètres, il louvoie significativement à trois reprises. En s’engageant sur cette rue, il effectue un virage très large. Les policières décident de procéder à son interception et Patrick immobilise son véhicule à proximité de la Maison Rotary.
Dès les premiers échanges avec celui-ci, qui a descendu sa fenêtre, les agentes sentent une forte odeur d’alcool émanant de l’habitable. De plus, elles constatent que l’homme a les yeux rougis, la bouche pâteuse et de la difficulté à s’exprimer. Elles lui demandent de sortir de son automobile, ce qu’il fait en perdant l’équilibre et en devant être retenu par les policières. Elles acquièrent les motifs raisonnables pour démontrer que Patrick a conduit son véhicule avec les capacités affaiblies par l’alcool et elles le mettent en état d’arrestation.
Patrick se rend difficilement à l’autopatrouille et sa démarche est lente et chancelante. Arrivé au poste de la Sûreté du Québec de Montmagny, il a toujours autant de difficulté à marcher et doit être retenu par les agentes afin de ne pas tomber au sol à deux reprises. L’agente qualifiée responsable de lui faire passer le test de l’ivressomètre constate que Patrick est étourdi, qu’il doit s’appuyer sur le mur pour ne pas tomber au sol, qu’il a les yeux rougis et la bouche pâteuse. Étonnamment, le résultat du test révèle que Patrick à un taux d’alcool de 0,079% dans le sang, soit 0,001 % de moins que la limite de 0,08 % prévue dans par le Code criminel.
Néanmoins, les agentes poursuivent leur enquête en interrogeant Patrick et en lui faisant remplir un scénario de consommation. De nature collaboratrice et conformiste, plutôt que d’invoquer son droit constitutionnel au silence, il leur raconte sa soirée et leur avoue son nombre de consommations.
Tout au long de leur intervention, les policières sont sensibles aux limitations personnelles de Patrick, et les considèrent dans leur prise de décision. Au final, sur la base de leur formation, de leur expérience professionnelle et de leur observation de l’homme, elles concluent qu’il n’était pas apte à conduire son véhicule à cause de son état d’ébriété avancé. Il est donc libéré avec une Promesse de comparaître à une date ultérieure, pour répondre à des accusations de conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool.
Dans les mois suivant son arrestation, Patrick enregistre un plaidoyer de non-culpabilité à l’infraction reprochée. Un procès s’est donc tenu devant le juge Sébastien Proulx, de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, du district judiciaire de Montmagny. Celui-ci s’est étendu sur quelques années à cause d’événements hors du contrôle des parties.
Ultimement, le magistrat a rendu son verdict le 19 mars dernier.Dans son jugement, le juge Proulx rappelle qu’il est illégal et criminel de conduire tout véhicule à moteur au Canada avec un quelconque niveau d’affaiblissement de ses facultés occasionné par la consommation d’alcool ou de drogue.
Pour remplir son fardeau de preuve, le ministère public doit démontrer hors de tout doute raisonnable ces éléments essentiels se manifestant anormalement chez un accusé, sans autre explication raisonnable.
Un procès particulier
Patrick a choisi de faire entendre sa version lors du procès afin d’expliquer son comportement du 21 septembre 2019. Il avoue avoir louvoyé sur le chemin des Poirier, car il observait nerveusement dans son rétroviseur l’autopatrouille derrière lui. Il justifie son large virage sur la rue St-Jean-Baptiste Ouest par son habitude de tirer des remorques avec son véhicule. Quant à l’odeur d’alcool dans l’habitable, il blâme ‘’le parfum qui sent la robine’’ qu’il portait à ce moment. Il explique sa démarche chancelante et laborieuse par la présence d’une bosse sous le pied. Il précise aussi que l’alcool n’avait pas d’effets sur lui et que ses consommations n’avaient pas affecté sa conduite lors des événements.
Dans son analyse, le juge Proulx, qui a été à même d’observer les limitations de Patrick lors du procès, soutient que l’accusé était sincère et de bonne foi. Néanmoins, il note un manque de fiabilité de sa mémoire et des contradictions lors du contre-interrogatoire. Certaines de ses explications aux symptômes constatés lui sont aussi apparues comme invraisemblables. Ainsi, il rejette son témoignage en qualifiant son récit de fragile, de non fiable et d’incompatible avec la preuve dans son ensemble. Inversement, le magistrat a retenu le témoignage des agentes de la paix. Il les a qualifiés de ‘’témoins objectifs, modérés et désintéressés par l’affaire’’. Il salue leur mémoire précise et fidèle des événements et le fait qu’elles n’ont consulté leur rapport qu’à une seule reprise lors de leur témoignage. De plus, malgré un contre-interrogatoire serré de la défense, elles ne se sont pas contredites et elles ont fait preuve de pudeur en parlant des difficultés personnelles de l’accusé.
De la sorte, le juge a conclu que le ministère public avait prouvé hors de tout doute raisonnable que Patrick avait conduit son véhicule avec les facultés affaiblies par l’alcool dans la nuit du 21 septembre 2019 et il l’a déclaré coupable de l’infraction.Considérant l’absence de facteurs aggravants et d’antécédents judiciaires, les parties ont fait une suggestion commune de peine au magistrat, soit l’opposition de l’amende minimale de 1 000 $ et d’une interdiction de conduire de douze mois, avec possibilité de bénéficier d’un antidémarreur éthylométrique sans délai.
* Patrick est un nom fictif