21 novembre 2024

L’Islet dépense 134 000 $ pour tenter de récupérer 56 000 $ qu’elle a illégalement facturés

Une poursuite judiciaire de 56 012 $ intentée par la Municipalité de L’Islet a coûté jusqu’à présent 134 049 $ en honoraires professionnels à ses payeurs de taxes. Pourtant, sa demande a été entièrement rejetée par le tribunal de première instance, car jugée illégale, et elle s’adresse maintenant à la Cour d’appel du Québec pour avoir raison.

Le coût de ces honoraires professionnels payés par l’organisation, lesquels s’élèvent à plus du double du montant réclamé, a été obtenu par le Journal dans le cadre d’une demande d’accès à l’information. Néanmoins, notre demande pour obtenir la ventilation de ces sommes, soit le détail de ce montant, a été refusée par l’organisation.

Le cœur de ce litige repose sur un différend entre la Municipalité et l’un de ses propriétaires fonciers, Pavage Portneuf, une entreprise spécialisée dans le domaine du pavage de routes, de rues, de ponts et en travaux de génie civil employant plus de 400 personnes. Le 3 avril 2013, celle-ci a signé une promesse d’achat pour acquérir de l’organisme un terrain dans son parc industriel pour la somme de 66 560,25 $ plus taxes aux fins d’y installer une usine portative de préparation de béton bitumineux.

Dans la promesse de vente, l’entreprise s’engage à verser à la Municipalité une compensation annuelle pour les équipements ne pouvant être portés au rôle d’évaluation foncière d’un montant de 6 582 $, une somme calculée à partir de l’évaluation moyenne des autres bâtiments du secteur, en plus des taxes municipales afférentes au terrain.

En 2018, une grande entreprise étrangère au litige construit un grand bâtiment moderne dans le parc industriel de L’Islet pour plusieurs millions de dollars, faisant à elle seule doubler la moyenne des évaluations du secteur. Sur cette base, pour l’année 2019, l’hôtel de ville facture à Pavage Portneuf 22 995 $ à titre de compensation, soit presque quatre fois plus que ce qu’il avait été convenu lors de l’achat de la propriété. Cette somme est augmentée de quelques centaines de dollars en 2020. Pavage Portneuf refuse d’acquitter ces factures et paie exclusivement ses taxes foncières.

En date du 7 septembre 2020, L’Islet mandate ses avocats pour déposer en son nom une demande introductive d’instance en Cour du Québec, chambre civile, à l’encontre de Pavage Portneuf pour lui réclamer le montant des compensations non payées qu’elle établit à 56 012,29 $ plus les intérêts.

Une compensation jugée illégale

Après quelques années de procédures préalables, le dossier est entendu les 31 mai et 1er juin 2023 par l’Honorable juge Louise Lévesque, qui a rendu son jugement en octobre dernier.

« En imposant à Pavage Portneuf le paiement annuel d’une compensation au regard des équipements ne pouvant être portés au rôle d’évaluation foncière et calculée sur la valeur d’immeubles de tiers, la Municipalité de L’Islet a outrepassé ses pouvoirs et fait indirectement ce qu’elle ne peut faire directement», conclut la magistrate.

Pour en arriver à cette décision, celle-ci a d’abord analysé la nature de ladite compensation, qu’elle a qualifiée d’une forme de taxe, soumise aux exigences du Code municipal du Québec et de la Loi sur la fiscalité municipale. Or, ces législations démontrent clairement que l’imposition de toute taxe, dont toute compensation, doit se faire par l’adoption d’un règlement, ce que n’a jamais fait le conseil municipal lisletois.

La juge ajoute que « ces dispositions autorisent encore moins l’imposition d’une taxe à l’égard des équipements placés de façon temporaire sur un terrain comme l’usine portative de préparation de béton bitumineux de Pavage Portneuf ».

Finalement, elle a entièrement rejeté la réclamation de la Municipalité. Insatisfaite de ce jugement, cette dernière a porté la cause en appel et elle sera entendue dans les prochains mois. Ainsi, elle devra continuer de payer des honoraires professionnels et les sommes investies par les payeurs de taxes de L’Islet dans ce dossier dépasseront certainement les 134 000 $ déjà dépensés.

Invitée à commenter ce dossier, la Municipalité a décliné les demandes du Journal.