17 août 2025

Un litige couteux entre Emballages LM et certains travailleurs étrangers

Un litige s’est conclu entre l’entreprise Emballages LM de Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud et Recrutement international Travailleurs sans frontière qui lui avait fourni des services afin de recruter des travailleurs étrangers en Amérique latine entre 2018 et 2020. Emballages LM demandait plus de 69 000 $ en compensation, car certains travailleurs ont mis fin à leur emploi avant la date convenue alors que le service niait sa responsabilité et demandait le remboursement des frais dans ce dossier, mentionnant que la poursuite de l’entreprise était intentée seulement par un esprit de vengeance.

Emballages LM demandait un total de 69 382 $ à Recrutement international Travailleurs sans frontière inc. et son employé Luc Plamondon pour différents dommages et intérêts subis par le départ prématuré de cinq travailleurs étrangers, car cela viendrait à l’encontre des engagements prévus au contrat entre les deux parties. Autant l’entreprise que M. Plamondon ont nié cette responsabilité et demandaient en retour le remboursement de plus de 50 000 $ en frais de justice payés dans cette affaire. Emballages LM a d’abord envoyé une mise en demeure en octobre 2020 et le recours en justice a débuté en février 2021. Un procès de six jours s’est tenu et le juge Yves Hamel a finalement mis fin au dossier avec son jugement rendu en juillet 2025.

Les faits rapportés par le juge racontent que les deux entreprises ont commencé à faire affaire en 2018 alors qu’Emballages LM souhaitait faire le recrutement de travailleurs étrangers pour combler certains postes disponibles. Recrutement international Travailleurs sans frontière inc. se spécialisait dans le recrutement en Amérique latine et une mission est organisée en novembre 2018 au Guatemala. Cinq travailleurs sont finalement engagés et les deux entreprises remplissent leurs rôles en fonction du contrat entre les deux parties. Trois arrivent en août 2019 et deux en septembre 2019. Trois partiront en juin 2021, soit un mois avant la fin de leur entente avec l’entreprise, et la situation s’est compliquée avec deux travailleurs qui ont finalement choisi de quitter en juillet et septembre 2020.

Le juge souligne toutefois que le départ prématuré des travailleurs n’entre pas dans le délai de satisfaction de quatre mois prévus au contrat. De plus, il mentionne que les relations entre les travailleurs et l’entreprise se sont dégradées à la suite d’action commise par cette dernière, et non à cause d’un manque de collaboration de Recrutement international Travailleurs sans frontière inc. Emballages LM aurait aussi mentionné le fait que la barrière linguistique aurait empêché la pleine intégration des travailleurs, mais le juge souligne que cette question était sous leur responsabilité selon le contrat.

Au final, le juge a pris la décision de rejeter la demande des deux parties. Il souligne que la preuve présentée par Emballages LM n’a pas permis de conclure qu’il y a eu une faute contractuelle attribuable à l’entreprise ou au travailleur visé par la demande. Du côté de la demande reconventionnelle de Recrutement international travailleur sans frontière inc., le juge reconnait que Emballages LM aurait dû reconnaitre lors du début des interrogatoires qu’elle n’avait pas la preuve nécessaire pour garder ses accusations contre Luc Plamondon. Toutefois, comme les factures et le dédommagement demandé de son côté sont les honoraires payés par l’entreprise et non en son nom personnel, il ne peut pas donner droit à la demande. Pour l’entreprise, il souligne que la demande n’était pas nécessairement vouée à l’échec, donc Emballages LM pouvait continuer ses procédures. Les frais de justice sont en faveur de Recrutement international travailleur sans frontière inc.

Des relations compliquées dès le début

Dans le texte de l’honorable Yves Hamel, on peut comprendre que la situation était tendue avec les travailleurs guatémaltèques, particulièrement sur des questions salariales. Lors de la mission de recrutement, une simulation salariale aurait été transmise aux candidats qui montraient le salaire offert ainsi que les déductions à prévoir avec un emploi au Québec. Cette dernière ne comprenait toutefois pas la déduction en lien avec leur loyer, qui était au départ prélevé directement sur leur paye. Une rencontre aurait alors été organisée pour régler le mésentendu, mais les travailleurs auraient gardé une certaine insatisfaction au niveau de leur salaire par rapport à leurs qualifications. Ils auraient eu quelques augmentations, mais ils auraient toujours considéré leur rémunération comme inférieure à leurs qualifications.

Le Tribunal reproche d’ailleurs à Emballages LM l’imposition d’un horaire de tâches ménagères et d’entretien dans la maison où les travailleurs habitaient, alors que l’immeuble n’appartient pas à l’entreprise, mais à une compagnie externe, qui appartiendrait au père et à l’oncle du PDG, Frédéric Jean.

« À titre d’exemple, LM impose aux travailleurs un horaire d’entretien de la maison louée par ces derniers, ce qui est non seulement contraire aux Règles du logement locatif prévues au C.c.Q., mais s’avère, à première vue, une atteinte à la vie privée de ceux-ci. [...] En fait, cet horaire de tâches dans la maison, en plus d’être illégalement imposé aux travailleurs, va bien au-delà du contrat de travail et des conditions de travail proposées aux travailleurs lors de la Mission de recrutement en novembre 2018. En d’autres mots, en juin 2020, lorsque LM modifie unilatéralement les règles concernant le logement où habitent les travailleurs, cela ne contribue pas à fidéliser le lien d’emploi déjà fragile avec ces derniers [...] c’est plutôt l’inverse. »

Le jugement contient d’ailleurs des extraits de messages envoyés aux employés par le PDG de l’entreprise : Je vous aie fourni une belle maison au-dessus de la moyenne! vous êtes bien installer! J’ai faite une cédule de tâche ménagère... N’attendez pas que ce soit moi qui commence à aller faire respecter L’ordre et la propreté dans la maison parce que vous aller trouver le temps long! demandez à [ma fille] quelle vous le traduise pour etre bien certain que vous avez bien compris! » (Reproduction intégrale)

En décembre 2024, M. Jean confiait au Journal lors d’une entrevue que son entreprise accueillait présentement 19 travailleurs étrangers des Philippines qui sont arrivés en deux cohortes, une en 2020 et une en 2022. Ces derniers étaient tous toujours au Québec et plusieurs auraient même obtenu leur citoyenneté depuis.